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Conférence - débat du 28 Septembre 2007
au Centre Universitaire Hotel Dieu le Comte

M. Pierre KAMMERER

VIOLENCES ET PASSAGES A L'ACTE EN INSTITUTION EDUCATIVE
ET THERAPEUTIQUE


En cette rentrée 2007, et à la suite d'une journée de travail organisée par l'USMA (Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence), l'association a eu le plaisir d'accueillir Pierre Kammerer, docteur en psychologie et psychanalyste, qui est intervenu sur le thème suivant: Les passages à l'acte en institution.

Son expérience en tant que consultant auprès d'équipes éducatives et soignantes, sa réflexion et sa pratique  à partir des concepts psychanalytiques fondamentaux appliqués à une clinique vivante ont situé son intervention au carrefour de l'action éducative et du soin psychique.

Pierre Kammerer est l'auteur de plusieurs ouvrages dont :


                                    Texte sur le contenu de la conférence, "lire la suite"...
 

La conférence de Pierre Kammerer a eu lieu le vendredi 28 septembre 2007 et a rassemblé plus de 140 auditeurs.
Pierre Kammerer est psychologue clinicien et psychanalyste. Il a travaillé pendant plusieurs années auprès d’adolescents délinquants, en foyers ou en milieu carcéral. Dans le cadre institutionnel des foyers, il a élaboré et mis en place un environnement favorable pour les adolescents souvent victimes de traumatismes anciens . Ce cadre, constitué par les membres de l’équipe pluridisciplinaire et le thérapeute , permet de construire des jeux relationnels qui prennent en compte le transfert .
Pierre Kammerer a depuis toujours une activité de thérapeute en CMPP et accompagne également des équipes dans l’analyse de leur pratique ; il a aussi une activité de psychanalyste en libéral.
Sa recherche prend pour base la définition psychanalytique du passage à l’acte, qui le différencie de l’acting out, dans le sens où il représente un message à déchiffrer. C’est à partir de sa pratique, qu’il a exposé et analysé à partir de quelques exemples cliniques ce qui se passe dans le passage à l’acte, et quel type de cadre on peut tenter de constituer dans les institutions pour aider les jeunes à sortir de cette répétition. En effet, ces passages à l’acte qui ont conduit ces adolescents à se trouver pris en charge dans une institution correspondent au retour, violemment mis en acte sur la scène sociale, de fantasmes refoulés par le sujet depuis des expériences perverses et traumatiques anciennes. Ce sont ces fantasmes qui vont organiser le scénario du passage à l’acte. La dimension traumatique des événements tient à la défaillance d’un environnement n’ayant pas pu permettre de contenir, partager, légitimer les affects ressentis alors (honte, haine, rage…) et de les faire accéder à la pensée.
Le sujet qui passe à l’acte dans une institution est toujours dans une situation transférentielle . Or, le transfert est un processus dynamique ; son évolution dépend de la réponse qui y sera donnée. Le caractère analytique de cette réponse et la qualité éthique d’une approche du soin psychique articulée au travail éducatif caractérisent le travail de Pierre Kammerer.
Le repérage du transfert est rendu possible dans une institution éducative qui réunit des professionnels formés à la fois pour figurer les partenaires ( souvent les figures parentales ) de l’histoire ancienne du sujet, et  accueillir et partager les pensées et les questions  qui l’habitent , et qu’il croit souvent inadmissibles. A partir d’un tel lieu institué, le passage à l’acte, pris dans la compulsion de répétition , va pouvoir être identifié, dans un second temps, comme ouverture possible sur un travail de restitution du matériel psychique refoulé dans un travail thérapeutique permettant l’élaboration d’angoisses, notamment celles de la passivation et de la dépression . Le passage à l’acte est en effet intervenu pour court-circuiter les angoisses liées au retour des fantasmes refoulés.
Le dispositif clinique conçu pour que ces actes mènent le sujet vers un travail thérapeutique implique simultanément deux vecteurs : d’une part l’exigence d’élaboration psychique, d’autre part une expérience de la réparation – création , au sens de Winnicott. Ces deux vecteurs viennent répondre aux paradoxes de la situation de l’adolescent , que Kammerer exprime notamment ainsi : « le passage à l’acte est le début d’un dire qu’il faudrait amener à penser et à parler, et c’est aussi une manifestation antisociale à laquelle une réponse socialisante devrait être donnée ».
Le concept de réparation organise la renarcissisation du sujet. D’une part, il s’agit de le responsabiliser par l’engagement qui lui est demandé d’une mise en parole et en pensée de ses actes dans l’institution ; d’autre part, il s’agit de restaurer les liens rompus, quand un nouveau passage à l’acte entraîne la rupture du contrat institutionnel. En vue de cette restauration, il est demandé au sujet d’inventer sa propre manière de réparer. Il va ainsi retrouver ses « potentialités bénéfiques pour l’autre », ses capacités de don, sa créativité interne, le plaisir à faire plaisir et de la rencontre avec l’autre.
C’est ce détour éducatif combiné à des entretiens psychanalytiques, qui rendra possible l’expression des angoisses et le retour des situations refoulées de l’histoire personnelle.
Cette approche  du soin psychique montre comment l’institution peut organiser un espace clinique à la fois collectif et individuel , dans une temporalité du quotidien autant que dans celle qui scande les entretiens thérapeutiques.