Imprimer

Conférence - Débat 

                           

Patrick ChemlaChemla 1

Psychiatre et psychanalyste, membre du Cercle Freudien
Centre Antonin Artaud et La Criée à Reims
 

Construire l'espace d'accueil de la folie 

 

le samedi 19 janvier 2019 à 14H30

Hôtel du Petit Louvre  -  TROYES

(Angle des rues Linard-Gonthier et Boucherat)

14h30 précises, accueil dès 14h15                                                                             Peinture de Francis Berezne      

Texte de la conférence : voir ci-dessous

 

Argument :

Construire l’espace d’accueil de la folie

Le désir fondateur pour moi en 1975 « d’en finir avec l’Asile » se sera heurté à de rudes épreuves. D’abord la déception essentielle dès les années 80 devant le mirage de l’utopie basaglienne, instrumentalisée maintenant dans toute l’Europe pour détruire la psychiatrie. La générosité et l’hospitalité à la folie y étaient présentes et me sont restées des valeurs essentielles, mais elles ne suffisent pas à rendre compte du travail difficile avec la psychose. Aucun discours idéologique ne saurait témoigner de la difficulté à construire l’espace de la rencontre, et encore moins  à perlaborer le « transfert/contre/transfert ».  Depuis l’idéologie du néolibéralisme a tout envahi et constitue « une nouvelle raison du monde » (Dardot et Laval), sauf à y arracher des ilots d’exception, des « petits bouts du monde » sur lesquels nous pouvons nous tenir avec les patients. Autant dire la posture qu’il s’agit de tenir pour rester vivants et créatifs dans notre travail en psychiatrie. C’est l’embarras devant le transfert psychotique surgissant dans des lieux improbables qui m’aura conduit à ce constat. Il n’était pas possible de remplacer la psychiatrie par de multiples cabinets de psychanalyse, comme beaucoup l’ont cru, ce dont nous  payons le prix aujourd’hui. Il s’agit en effet de construire en premier lieu un support vivant pour l'accueil de la folie, des patients psychotiques ou borderline qui présentent des crises de folie, ou des psychoses chroniques. Le compagnonnage avec Oury et sa pensée; la lecture de ses séminaires m'ont conduit à ce lieu de la fabrique, qui n'est pas seulement fabrique du dire, mais aussi possibilité d'avoir un corps et une verticalité dans l'espace. L'entrecroisement entre psychanalyse et phénoménologie est alors indispensable, et aujourd'hui particulièrement oublié (refoulé?), alors qu'il est à la base du travail de Lacan, Pankow, Oury et bien d'autres. Il ne  s’agit donc pas  seulement de travailler avec le signifiant, ou les jeux de langages, mais  de se tenir au niveau archaïque  de « l'image inconsciente du corps ».

Un tel engagement suppose un travail à contre-courant de la psychiatrie actuelle : il s’agit de prendre en compte de la multiplicité des transferts, y compris le transfert institutionnel, tout en insistant sur le singulier et l’hétérogène. Cet engagement ne cesse de se réinventer au centre Antonin Artaud de Reims depuis les années 80 en s’appuyant sur la psychanalyse en invention, tout en restant ouvert au registre du politique, pour tenir une analyse institutionnelle permanente.

 

Bibliographie :

Attaché au travail collectif, Patrick Chemla dirige des revues, apporte contributions ou articles dans d'autres ouvrages.

- "Le Collectif à venir", Coll. Questions de psychiatrie, ERES, 2018

- "Transmettre", Coll. Questions de psychiatrie, ERES, 2016

- "Expériences de la folie", Coll. Questions de psychiatrie, ERES 2010

Liste des parutions sur https://www.cairn.info/publications-de-Chemla-Patrick--38764.htm 

- Oury Jean, "Les symptômes fondamentaux de la schizophrénie", Cours de Jussieu 1984-1986, Editions D'une, 2016  

- Pankow Gisela, "Structuration dynamique dans la psychose", Coll. Un parcours, Editions Campagne Première, 2010

- Faugeras Patrick, "Rencontre avec Gaetano Benedetti. L'expérience de la psychose", Eres 2011

 

Lien vers l'article qui vient de paraitre sur le site Oedipe : https://www.oedipe.org/article/se-former-la-rencontre-du-protocole-letre-avec#_ftnref1

 

Texte de la conférence 

 

Texte pour Troyes 19/01/2019

Construire l’espace d’accueil de la folie

Merci d’abord pour cette invitation : cela fait longtemps que j’avais envie de venir vous rencontrer et échanger avec vous à propos de nos expériences de travail. J’ai choisi ce titre après une discussion avec Danièle Levy, et de fait je vais tenter de recentrer mon propos sur l’argument proposé. Mais je bute sur de nombreuses difficultés qui tiennent essentiellement à mon engagement subjectif dans ces enjeux. Et donc à la difficulté de surexposition, ou à l’inverse d’escamotage des résistances éprouvées et perlaborées. 

J’ai évoqué dans mon argument mon adhésion passionnée dans les années 75 à la geste basaglienne et à cette mise en acte révolutionnariste « d’en finir avec l’Asile ».   J’ai déjà raconté dans un précédent colloque de la Criée ma rencontre avec le collectif de la revue Garde-Fous, lieu de mise en critique de la psychiatrie animé par de nombreux analystes. Ce qui fut aussi inaugural de ma rencontre avec Jacques Hassoun, plus tard d’une longue analyse avec lui, et d’une inscription au Cercle Freudien peu après sa première fondation. 

Mais je voudrais d’abord évoquer ma rencontre première avec le monde de la psychiatrie asilaire. Outre la rencontre toujours angoissante avec la folie, j’eus une impression de « déjà éprouvé » que je mis bien du temps à décrypter, et que je ne pus évoquer en public qu’après en avoir parlé dans un lointain après-coup avec Alice Cherki. C’est dire l’importance de la discussion entre collègues, et entre collègues de différentes générations. J’avais l’impression troublante de retrouver le paysage colonial de mon enfance, avec les patients en posture de colonisés. Et les infirmiers, pourtant à l’époque membres du PCF et de la CGT, se tenaient en posture de colons traitant le plus souvent les malades comme une sous-humanité. Il m’est d’autant plus important d’en parler aujourd’hui alors que cette posture revient avec une force et une spontanéité troublante dans l’imaginaire et les pratiques de nombreux jeunes soignants. Il se produit une sorte de retour du refoulé de l’Histoire intriqué avec des arguments pseudo-scientifiques puisés dans l’arsenal de « la psychiatrie fondamentaliste ». Il redevient très difficile de considérer le patient comme un alter ego, alors que se produit un renforcement des processus de ségrégation, contrastant avec un discours officiel ressassant l’exact inverse : destigmatisation et protocole seraient les maitre-mots de ce santémentalisme. 

Il me parait donc important de revenir sur l’éprouvé sensible, le malaise ressenti à l’entrée dans cet espace. La nécessité de m’en dégager était à la mesure des hantises de la guerre d’Algérie, ou plutôt d’une enfance pendant la guerre, ce que j’ai pu écrire tardivement dans des livres collectifs, des récits d’enfance publiés sous la direction de Leila Sebbar (aux ed Bleu autour). Je concluais le texte du livre « Une enfance juive en Méditerranée musulmane par ces mots : « Je garde de cette enfance juive algérienne vécue pendant la guerre d’indépendance le souvenir traumatique d’une terreur permanente devant les horreurs qui m’étaient racontées tout en restant voilées. Un trauma qui est pour beaucoup dans mon engagement politique et dans ce qui m’a tourné vers la psychanalyse. Mais c’est aussi le lieu d’un ancrage de cette culture judéo-arabe qui constitue pour moi une véritable richesse dans une ouverture au monde que je continue à vouloir cosmopolite. » 

Propos qui n’auront été formulables que dans l’après-coup d’une analyse, de multiples rencontres, mais aussi de mon « expérience de la folie ». La folie de la guerre civile ayant été une empreinte décisive où s’inscrit une trajectoire. Comment penser l’aporie ami/ennemi à une époque de renversement où le plus proche peut devenir votre assassin, où les nuances n’existent plus ? Pour le dire autrement comment trouver dans une praxis une issue à cette situation d’exil/bannissement incompréhensible pour l’enfant dans la guerre ? Autant de questions qui témoignent d’une traversée et d’une expérience paradoxalement formatrice, ce que Françoise Davoine et Jean Max Gaudillière ont fort bien développé dans leurs livres et leurs témoignages. 

J’avais risqué l’expression « habiter l’exil » lors du colloque « Jacques Hassoun, de mémoire » comme d’un point de transmission. Dans un autre champ, celui de l’Histoire des historiens il est intéressant d’évoquer les publications récentes de Benjamin Stora, revenant maintenant sur sa propre histoire et sur l’exil des juifs d’Algérie qui ne fut guère glorieux. Certains propulsés dans la sortie de la tradition, en ont fait une posture autre que revancharde ou nostalgique, une posture révolutionnaire, qui deviendra pour Stora la passion de sa vie: devenir l’historien incontesté de l’indépendance Algérienne. C’est seulement maintenant dans l’après-coup qu’il peut reconnaitre et écrire l’importance de « l’exil intime » (Alice Cherki), et aussi de mai 68, pour le jeune juif désargenté, mais riche de plusieurs cultures, passant par l’histoire des indigènes arabo-berbères, pour en arriver à sa propre histoire et à celle des juifs indigènes.  

Il doit vous sembler transparent qu’au-delà des différences de trajectoires, et de talent, je voudrais insister sur cet enjeu de l’exil et cette « énergie du désespoir » qui m’aura poussé à l’engagement révolutionnaire, puis après une salutaire déception, vers une révolution permanente de ma praxis, et la construction incessante du centre Artaud. Ce qui n’aurait jamais été possible sans des rencontres multiples issues du désir inconscient et du hasard objectif: rencontre déjà évoquée avec la psychanalyse, précédée d’une sortie libératoire de la tradition religieuse. Rencontre aussi avec Gentis, Oury , Tosquelles, Bonnafé etc : toute la bande des fondateurs de la PI qui ne prenaient pas de gants pour raconter leurs disputes personnelles et théoriques, et leur profonde amitié malgré tout. Amitié dont parle magnifiquement Blanchot qui fut leur référence commune, ce que je continue à cultiver avec tous les intranquilles  qui sont venus construire le centre Artaud. Je crois que vous avez pu voir ici en primeur le film « Nous les intranquilles »  qui témoigne assez bien de l’ambiance effervescente, créative et joyeuse qui peut surgir au centre Artaud. Il est important d’insister sur cette sortie du religieux qui m’aura empêché de me convertir à une des religions monothéistes proposées par le monde analytique, à une époque qui parait aujourd’hui bien lointaine. Une époque où la grande majorité des internes en psychiatrie ressassaient les aphorismes de Lacan comme autant de signes de distinction et de reconnaissance dans les salles de garde. Ce qui m’a poussé à me tourner plutôt vers l’hétérogène dans la psychanalyse que je trouvais alors au Cercle Freudien, avec un goût très prononcé pour les hétérodoxes et autres hérétiques parlant ou écrivant à partir d’une praxis originale et singulière. 

Au centre Artaud, il ne s’agit pas de psychanalyse appliquée, comme on appliquerait un pansement sur la plaie de la psychiatrie, mais d’une élaboration permanente du transfert/Contre/Transfert (JP Lehmann) nourrie par la psychanalyse et l’analyse institutionnelle, mais aussi par d’autres multiples sources littéraires, poétiques, politiques etc… L’enjeu de la vivance du Collectif, celui de la strate première d’hospitalité inconditionnelle, constituant un préalable à tout travail tranférentiel avec la psychose. J’insiste sur ce constat d’après-coup: le transfert psychotique peut surgir à condition d’un lieu « good enough »(Winnicott) avec la pluralité de ses traductions : « suffisamment bonne » ; « tout juste bonne» selon Delion. A condition aussi d’une offre de transfert qui puisse être soutenue par quelques-uns, ce qui est nettement préférable à la solitude héroïque, pleine de toutes les dérives dangereuses, en particulier celle fort bien décrite par Freud dans Psychologie des masses et analyse du moi. A condition donc « d’entrer à plusieurs » dans la danse du transfert psychotique. Vous aurez compris que j’effectue un collage entre la formulation de « corps à plusieurs » comme forme de résistance à l’anéantissement traumatique évoquée par F.Davoine  dans une journée du Cercle il y a fort longtemps, le concept de « transfert à plusieurs » avancé actuellement par certains analystes comme une trouvaille pour se distinguer de la PI, et « l’entrée dans la danse » de l’infantile et de l’archaïque. Collage apparemment hétéroclite que j’ai pu construire progressivement et façonner à ma main, en me réappropriant ainsi une transmission réinventée. 

C’est de cette façon personnelle que j’évoquerai ce terme d’engagement sur lequel j’ai hésité assez longuement. La figure du psychiatre engagé, ou de l’intellectuel engagé fait aujourd’hui office de repoussoir : les temps ont changé et pas vraiment comme nous l’aurions voulu ! 

L’engagement de ceux qui fondèrent la PI est connu. On sait qu’ils ont tenu le réseau de résistance dans l’Hôpital Psychiatrique de St Alban, que Bonnafé dirigeait la zone sud, qu’il est allé avec Balvet, chercher  Tosquelles dans un camp de concentration, qu’ils ont planqué des juifs et fait des fausses déclarations de tuberculose pour avoir des rations de bouffe supplémentaire pour les patients etc… 

Je ne vais pas vous réciter ce qui pourrait devenir une histoire sainte, mais insister sur cette transgressivité subversive  à une époque propice à la collaboration et à l’abandon des patients à la mort.  

Et s’ils étaient réunis malgré ce qui les divisait vivement dans leurs conceptions politiques d’une révolution politique à venir, ils misèrent sur l’engagement dans une révolution psychiatrique ici et maintenant, sans attendre un quelconque grand soir, un paradis sur terre qui réconcilierait l’homme avec lui-même. Une psychiatrie qui comme on l’ânonnait, s’appuierait sur ses deux jambes la marxiste et la freudienne. 

L’engagement pour cette génération, comme pour celle issue de Mai 68 était à la fois analytique et politique, même si les versions en furent fort heureusement polyphoniques et s’entrechoquèrent pour des polémiques qui pourraient paraitre aujourd’hui incroyables. Et pourtant elles sont toujours actuelles, quand bien même nous nous heurtons à une haine de la pensée complexe et à une haine de la psychanalyse. 

Remarquons les corrélations de cette haine avec les résurgences du racisme, de l’antisémitisme, et des processus ségrégatifs. Il y a peu, la rabbin Delphine Horvilleur est venue donner une sorte de leçon fortement inspirée par la psychanalyse à la télé et dans le Monde, évoquant l’insupportable de la faille intime projetée sur le juif, l’arabe, le noir, la femme etc…,  décryptant le mécanisme sans cesse résurgent et inéliminable de l’humaine condition. Comme nous le constatons avec inquiétude cette résurgence est aujourd’hui massive et protéiforme, amalgamant l’archaïque et le postmoderne. Et cet envahissement de l’imaginaire des productions du social historique (Castoriadis) retentit dans notre champ  psychiatrique mais aussi psychanalytique. Ce qui est très inquiétant quant à l’appétit des masses avides de rumeurs, et à un déchainement possible des pulsions de mort. Je voudrais en suivant N Zaltzman (De la guérison psychanalytique) m’appuyer sur Hanna Arendt qui essayait de penser la structure des masses totalitaires (dans « le Système totalitaire) »: « Cette masse est composée d’individus cimentés eux aussi par leur relation au leader ; mais à la différence de la foule freudienne, ici l’identification au chef n’a pas de contrepartie identifiante sur chacun ni de chacun pour les autres…. Un fonctionnement pulsionnel sans entraves, un moi idéal caricature haineuse de la mégalomanie infantile. L’immunité assurée au meurtre, garantie par le leader est renforcée par la pression contraignante de la terreur : tuer et laisser tuer, sinon être tué, où d’ailleurs tuer n’assure nullement de survivre. L’immunité est assurée par l’anonymat, l’anonymisation déréalisante de chacun égal à personne ». Dans ce modèle, le chef et l’idéologie visent à détruire les références communes à la réalité. Et nous ne pouvons éviter de penser à l’anonymat aujourd’hui sur le net, ainsi qu’aux « fake news » utilisées sans vergogne et répercutées sans limites.    

Nous serions donc à l’opposé du modèle de la « foule freudienne » (église, parti, armée) où chacun s’identifie au moi idéal du meneur, tel que Freud l’exposait dans « Psychologie et analyse du moi » : nous serions à le suivre devant une masse constituée sous le signe d’un pacte d’alliance entre les individus, en échange d’un renoncement au meurtre. Le meurtre du père primitif de la horde qu’il avançait  dans Totem et Tabou, se trouve refoulé, et permet une sortie de la horde et un renoncement au meurtre et à l’inceste, ce qui constitue le socle de la construction du Nebenmensh, du complexe du prochain. 

Cette foule freudienne n’est pas le Collectif au sens de Jean Oury : d’ailleurs celui-ci ne se réfère jamais à ce texte dans son séminaire éponyme. Il est au contraire bien plus intéressé par les processus qui permettent de dégager du singulier au sein d’un Collectif structuré. Mais nous savons en même temps que la PI ne saurait être l’addition d’une série de dispositifs : ateliers, groupes, réunions, clubs thérapeutiques etc…. Au contraire le meilleur dispositif qui alignerait une telle panoplie pourrait tout à fait se transformer en nécropole, s’il n’était pas travaillé par une analyse institutionnelle permanente. Ce travail étant nécessaire pour éviter un « arrêt sur image » qui stopperait le mouvement de remaniement permanent : ce que Ginette Michaud avait appelé « processus d’institutionnalisation ». Il s’agit d’éviter que chaque lieu ne devienne un isolat autocentré pour  consentir à entrer en circulation avec les autres lieux. 

Quand j’évoque ces concepts cruciaux je me situe bien sûr aux antipodes du désastre psychiatrique actuel qui a été voulu par l’état  néolibéral, pas seulement pour une économie de moyens, mais surtout en raison d’un imaginaire utilitariste et désolant, croyant en finir avec la folie, avec « la bonne promesse » toujours à venir de la molécule magique, du gêne manquant, ou du neurotransmetteur défaillant. Le paysage s’en trouve sacrément déglingué avec une hémorragie des psychiatres, et même des infirmiers qui fuient des lieux devenus mortifères. Sans engagement politique, sans une posture de révolte mais aussi de créativité, il nous est impossible de tenir sans être atteint par des forces de mort. Ce qui me soutient dans les moments difficiles, c’est de me remémorer l’audace de Tosquelles et Bonnafé qui risquaient  carrément leur peau, mais ont pu tenir bon et créer un nouvel imaginaire, une nouvelle praxis au cœur de la catastrophe, renversant ainsi la logique des camps. Oury s’appuyant sur Agamben qu’il m’aura fait lire, n’aura cessé de revenir sur cet enjeu pendant les 10 dernières années de sa vie. Et bien sûr je pense aussi au courage et à la solitude de Freud osant écrire son Moise alors qu’il voyait son monde s’effondrer, le peuple juif exterminé, à un moment où personne ne pouvait prévoir avec certitude l’effondrement du nazisme. 

Nous n’en sommes heureusement pas là, mais il me parait important que les analystes et les personnes travaillant dans les institutions en particulier soient sensibles à ces enjeux. Car il nous faut tenir tête ensemble tout en soutenant les singularités de chacun(e). Se tenir debout dans la traversée serait une des traductions du durch concept phénoménologique qui circule entre Freud et Maldiney dans le dialogue à la fin du séminaire « Création et schizophrénie ». Oury parle de « se durcher les uns les autres » comme une sorte d’exercice psychique essentiel pour la relance permanente du lieu de la fabrique du Collectif ! 

Le lieu de la fabrique 

Vous aurez entendu dans cette formulation drolatique, l’importance de plusieurs registres intimement intriqués : celui du lieu qui suppose une construction de l’espace et en l’occurrence d’un espace collectif habité, mais aussi celui du corps, et il va nous falloir développer cet enjeu. Il s’agit rappelons-le d’un corps vivant se tenant debout et effectuant une traversée. Cet aspect de « structuration dynamique » est essentiel pour saisir l’appui sur l’élaboration de Gisela Pankow et sa méthode de travail analytique avec les psychoses et les psychoses hystériques. 

J’ai redécouvert Pankow par le biais de Oury très récemment, 35 ans après une première lecture effectuée dans le cadre d’une année du Cercle Freudien sur la psychose (avec C Spielmann, S.Lesourd et Olivier Grignon). J’avais voulu confronter plusieurs auteurs en recherchant des invariants qui se révélèrent introuvables. Et je n’avais strictement rien compris à la démarche de Pankow : il faut quelquefois du temps et surtout l’expérience du transfert pour qu’un auteur puisse nous parler. Oury en avait compris très tôt le génie thérapeutique pour soutenir cette distinction qu’il ne cesse de répéter entre psychoses hystériques avec morcellement de l’image inconsciente du corps, et schizophrénies où la spaltung, la dissociation disloque cette image inconsciente du corps. D’où sa trouvaille d’un « transfert dissocié » projeté sur des personnes ou des lieux de l’institution, qu’il s’agira de reconnaitre et de décrypter, perlaborer.  

J’ai d’abord été étonné que certains  pankowiens comme Chaput à la SPF soient quelque peu indignés par la traduction que faisait Oury de gestaltung comme « enforme du grand Autre ». Comme j’avais abordé la gestaltung par ce truchement, je n’y voyais aucune difficulté, mais une belle trouvaille pour faire entrer en résonnance des registres théoriques forts différents. Oury comme vous le savez aura été en analyse avec Lacan pendant 27 ans, se tenant dans une posture de « fidélité infidèle », initiant son séminaire public après la mort de Lacan pour se distinguer de ceux qu’il appelait « les récitants lacaniens ». Pour lui Lacan constituait « le guide Michelin » indispensable pour un voyage dans l’inconscient, mais ne pouvait remplacer la fabrique d’une boite à outils conceptuelle que chacun devrait se façonner à sa main. 

La lecture inlassable du séminaire de J.Oury sur les symptômes primaires de la schizophrénie montre pourtant les acrobaties qu’il effectue pour faire entrer la conceptualité de Pankow dans le schéma lacanien du bouquet renversé, construisant peu à peu son immense fresque exposée au musée d’art brut de Villeneuve d’Ascq. J’ai tenté les années précédentes à Reims de reprendre les schémas lacaniens avec les concepts de Pankow en palimpseste. Travail éminemment complexe qui suppose plutôt un long travail de séminaire. 

Ce qui me parait essentiel, c’est que ce faisant Oury tricote la théorie lacanienne du miroir et du signifiant avec l’arrière fond phénoménologique qu’il n’aura jamais quitté. Et qui constitue la base pour Pankow  formée par Kretschmer, et produisant d’entrée de jeu ce concept « d’image inconsciente du corps ». Nous pouvons lire dans « Structuration dynamique de l’image du corps » la manière singulière avec laquelle elle se relie au stade du miroir pour préciser les points d’homologie, et surtout les points de différence avec Lacan, sa proximité également avec Dolto avec qui elle fit un contrôle.   S’engager dans le travail psychothérapique avec les psychotiques suppose ce préalable de construire l’espace imaginaire de possibilisation du  transfert, et de là une historicité qui ne surgit que dans cet espace. 

Encore faut-il s’engager par ce chemin du dedans, ce qu’elle appelle « la descente aux enfers »,  et quitter la position de l’observateur, y compris de l’observateur qui sait faire partie du paysage, concept issu de la phénoménologie et repris par Lacan. La démarche de Pankow constitue de fait une récusation des présentations de malades ce qui était aussi la position de Oury, mais aussi d’une posture de certains phénoménologues n’ayant pas le souci du transfert et du soin. Ou ne faisant aucun lien entre la phénoménologie et leur pratique clinique. Clivage devenu courant qui ne leur est d’ailleurs pas spécifique. La gestaltung est en fait un concept que nous devons à Hans Prinzhorn, auteur de « Expressions de la Folie », ouvrage inaugural par rapport à l’art brut et pour tous ceux qui s’intéressent aux créations des patients. Littéralement il s’agit déjà de l’idée d’une thérapie par les formes, « forme formante » pour Maldiney, et il était logique que ce concept circule entre Oury, Maldiney et Pankow. Avec une insistance sur la production de formes pour la création de l’espace chez Pankow, préalable à la structuration dynamique qu’elle appelle phantasme. Je la cite « j’ai choisi ce terme(PHANTASME) pour établir une distinction très nette entre ces images dynamiques et les « fantaisies » courantes; Le monde imaginaire peut être exploré par un phantasme ; mais il n’est pas identique au champ dynamique que représente le phantasme. » 

Il n’y a pas non plus chez elle d’usage univoque de la Loi ou de la structure comme chez Lacan, mais plusieurs registres entre lesquels elle circule avec le patient. La notion de structure intervient chez elle de façon réitérée mais en se référant tantôt à la Gestalt, tantôt une sorte de loi des relations interhumaines, sans rapport précis avec le structuralisme. Pankow est effectivement avant tout une clinicienne qui théorise sa praxis, plutôt qu’une théoricienne construisant un système édifiant censé rendre compte de la totalité du monde psychique. 

A chaque fois, dans chacune des situations cliniques évoquées, il sera question d’entrer dans le paysage dévasté du patient. Ce qui n’est pas sans danger pour le patient comme pour le thérapeute, mais qui est essentiel pour la dynamique du transfert psychotique (Davoine), et la traversée des aires de mort (dont parle G. Benedetti cité d’ailleurs par Pankow). 

Je voudrais à ce point  vous parler d’une situation clinique concernant deux patients, que j’ai évoquée partiellement lors des Etats généraux psy sur la radicalisation organisés en novembre dernier par Fethi Benslama. Appelons le premier patient concerné Karim : je ne le connais pas encore quand j’apporte en CME en novembre 2014 la pétition du « collectif des 39 » contre la contention. La pétition provoque une gêne certaine dans l’assemblée, et une collègue m’apprend qu’elle a dans son service, un patient radicalisé « fiché s », contentionné « à la demande des infirmières ». Je n’insisterai pas sur ce discours qui fait endosser aux autres le poids de l’embarras éthique. J’apprendrai le lendemain que le patient, une fois détaché, aura pris le large et, retrouvé par la police, aura demandé à venir dans mon service, son secteur de domiciliation. Comme s’il avait appris mon positionnement quant à la contention… 

Karim se présente d’entrée de jeu comme un schizophrène hébéphrène : il parait totalement vide et apragmatique, bien loin du militant djihadiste dangereux qu’il aurait fallu attacher. Son histoire parait bien courte : il avait pris le train sans billet, et quand le contrôleur est passé il a crié « Daesh ! » pour lui faire peur. On peut dire que ça a très bien fonctionné : il n’a rien payé, mais le contrôleur a aussitôt appelé la police qui a tout de suite vu qu’il s’agissait d’un malade psy : une expertise au commissariat  déclenchant une hospitalisation en SDRE. Le collègue qui l’accueille dans le service ne trouve alors aucun élément de dangerosité et demande aussitôt une levée d’internement. Le préfet, en raison du contexte, demandera une autre expertise qui confirmera la position du collègue. Du coup le patient sort, mais les policiers l’attendent à la sortie de la clinique : dès qu’il les voit il va alors crier « Daesh » pour se défendre, et le voilà de nouveau en garde à vue ! On est vendredi soir, je tel au substitut du procureur pour tenter d’expliquer qu’il s’agit d’un malade mental qui a besoin de soins et non d’emprisonnement. On m’assure que je n’ai pas à m’inquiéter puisqu’il  aura son traitement au commissariat ! Heureusement, pendant la nuit la folie du patient est telle que la police nous le renvoie, mais en nous faisant savoir qu’il faudra le traiter de façon forcée en hospitalisation, à l’inverse de notre manière de travailler. La pagaille qu’il a semée est telle que nous sommes tenus d’accepter d’être en quelque sorte enfermés avec lui. Dès lors Karim, loin de nous remercier, va nous saturer tout un temps de son adhésion à Daesh et à l’islamisme militant. Il importune aussi les autres patients d’origine maghrébine coupables de ne pas respecter l’islam des origines. Les infirmières apprécient de même très modérément ses manœuvres de drague crues et pour le moins paradoxales… 

Mais voilà qu’il choisit de venir me parler une fois/semaine, m’affirmant que son psychiatre d’origine chinoise ne pourrait le comprendre ; alors que mon origine, qu’il perçoit maghrébine, devrait selon lui  permettre un partage. Ce qu’il me demande, dans des entretiens où s’affirme son vide intérieur, c’est de lui parler du Maghreb, et de son pays d’origine le Maroc où je vais fréquemment en vacances. Les collègues trouvent un peu fou que j’accepte, alors qu’il n’est pas sans savoir que je suis juif d’Algérie. Il va retenir tout propos antisémite(en français car il ne s’en prive pas en arabe) une année durant, tant il tient à ces entretiens où je sens qu’il me faut en quelque sorte entrer dans son monde dévasté, et reconstruire un arrière-pays. Malgré les entretiens psychothérapiques et la médication « antipsychotique », les symptômes s’exacerbent dans un premier temps, ce qui est paradoxal mais fréquent dans tout travail analytique. Le retrait psychotique va aller en s’aggravant : Karim hante le service la nuit comme une ombre, vole dans les chambres et suscite le rejet. Jusqu’au jour où je n’y tiens plus : je lui signifie que je ne supporte plus cette situation d’enfermement dans la folie à l’hôpital, et que je voudrais le soigner dehors en AT et au centre Artaud. Je vais alors provoquer une rencontre avec son frère ainé qui, malgré une inquiétude fort légitime pour sa propre famille, va accepter en quelque sorte de « tuteurer » ce petit dernier qui a « mal tourné ». Karim va donc entrer dans un AT situé dans un quartier tranquille, où l’équipe intervient de façon quotidienne, restant joignable en permanence. Il va répéter dans ce lieu tous les comportements désagréables et agressifs qu’il  nous avait fait endurer à l’hôpital : il vole toutes les nuits les autres patients, entre dans leurs chambres, fait venir des copains dealers dont on se demande s’ils ne sont pas aussi islamistes. Bref au bout de quelques semaines, c’est l’enfer malgré l’aide très solide du frère. Il a également réussi à déclencher, sans trop de difficulté,  des insultes racistes venant des autres patients. Je provoque alors une nouvelle confrontation avec son frère pour parler de la situation devenue intenable, et évoquer la seule alternative qui me reste: une place dans un autre AT situé dans un quartier difficile. Karim accepte immédiatement, mais le frère est terrifié par un tel contexte. A vrai dire je ne suis pas loin de partager son inquiétude, mais l’hospitalisation a déjà été tentée très longuement sans beaucoup de succès. Nous convenons de faire le point régulièrement, le frère va l’aider pour faire les courses, ce qui est d’habitude dans nos fonctions ; mais c’est aussi pour cet homme très courageux la tentative de trouver une place d’aide et d’autorité. Autrement dit, nous faisons quelque peu entrer la famille dans l’équipe, et nous prenons les décisions ensemble. Ce qui permet aussi au frère de prendre acte de la gravité des troubles psychotiques  de Karim. Le changement de lieu aura des effets magiques : sans doute le déplacement, mais aussi le transfert d’entrée de jeu à l’égard des autres patients du nouvel appartement. Bien sur la répétition des pulsions de mort se produit sur la nouvelle scène, mais les autres occupants et la famille nous préviennent, et au décours de plusieurs crises mises au travail,  une limite se trace peu à peu. Il va nouer par ailleurs une amitié tout à fait surprenante avec un patient syrien, souffrant d’une psychose traumatique, survenue dans l’après-coup des tortures subies dans les geôles de Bachar. Cet homme est un journaliste laïque, opposant démocrate, ayant osé critiquer l’attentat contre Charlie dans un journal arabe ! 

Karim va alors se proposer comme traducteur dans les entretiens que je mène avec cet autre patient: et voilà un islamiste en fonction de truchement pour un démocrate ! Je pense que le surgissement de cette amitié est un des signes les plus importants qu’il nous ait envoyés d’une reconstruction du « complexe du prochain »(Nebenmensh), et d’un dégagement progressif de la folie. Cela lui aura permis cette fois de s’améliorer de façon spectaculaire pour prendre soin de son copain effondré, mélancolisé  par l’écrasement de la révolution syrienne. Je voudrais insister sur le masque, le faux-self qui donnait une contenance à Karim, et aurait pu le rendre dangereux si l’embrigadement s’était poursuivi. Seule l’alliance avec la famille, et la prise en charge dans un AT situé dans le quartier de tous les dangers aura permis une sorte de reconstruction psychique. Je ne néglige évidemment pas le transfert inaugural, où il s’agissait d’entrer dans son paysage dévasté par les pulsions de mort désintriquées, en m’écartant, le temps des séances, de toute position morale. 

Il faudrait insister aussi sur le déplacement physique et psychique entre les appartements, ce qui lui aura permis ensuite de se payer « un voyage en all inclusive » dans une ile de Méditerranée, avec le surgissement d’une renarcissisation : une très grande fierté de s’en être sorti ! 

Ce qu’il me faut également souligner, c’est la mise en acte incroyable de la fonction de therapon (cf Davoine) vis-à-vis de son ami syrien. Celui-ci avait présenté une psychose traumatique, diagnostiquée à tort schizophrénie, jusqu’au moment où il a pu par le truchement d’une infirmière parlant sa langue (l’arabe du Moyen Orient) évoquer la torture, et le moment éprouvé d’une « déchirure dans son être » lui faisant perdre un temps l’usage de la langue arabe. J’ai alors immédiatement pensé au livre de Jean Améry (Par-delà le crime et le châtiment- Essai pour surmonter l’insurmontable) et à sa réflexion sur la torture. Le fait de penser en termes de  trauma psychique, et de sortir de l’étiquetage de schizophrénie a aussitôt été perçu par le patient. Certes il délirait en qualifiant tous ceux qui lui déplaisaient d’ « alaouites », certes il était gravement dysphorique au point d’alterner moments agressifs et tentatives de suicide. Certes mais je n’entendais pas de spaltung au sens de Oury/Pankow, mais des reviviscences traumatiques incessantes, et une TS récente et+ gravissime au moment de l’exfiltration en France du vieux dirigeant du PC Syrien me l’a pour ainsi dire confirmé avec insistance. Il en a alors déduit l’écrasement de tout espoir dans la révolution syrienne à laquelle il avait participé. 

Karim se sera occupé de lui nuit et jour alors que son ami syrien sortait de la mélancolisation sur la mode de l’identification à l’agresseur, nous faisant éprouver la tyrannie dans le transfert. Sans doute cette tyrannie était-elle en prise aussi avec des éléments de son histoire qu’il nous livre par bribes. Il n’aurait parlé qu’à partir de l’âge de 8 ans et se plaint d’une cruauté qu’il attribue selon des versions fluctuantes à différents personnages de sa famille. Après ce mutisme de l’enfance, il avait réussi ses études et travaillait pour un journal arabe et pour des chaines françaises internationales. Ce qu’il nous a confirmé par des articles dans son journal et des photos avec une délégation de révolutionnaires syriens au parlement européen. Karim l’aura soigné jour et nuit pendant plusieurs semaines en AT, car son ami ne supportait pas l’hôpital où son comportement dictatorial n’était pas supportable par les infirmières. Et dès qu’il a pu béquiller il a réclamé de retourner dans son studio thérapeutique, recouvrant brusquement des capacités de déplacement qui nous ont laissé pantois, allant seul à Paris retrouver des amis syriens. Et surtout se passant désormais d’interprète pour parler français presque couramment. Ecrivant aussi de nouveau des articles en arabe sur ses sujets de prédilection. Nul ne peut dire encore s’il ne sera pas rattrapé comme tant d’autres par la violence du traumatisme déchirant son être. Mais la dynamique du transfert ne semble pas prête de s’arrêter. Karim a fait une pause nous demandant de prendre le relais qui s’effectue par un suivi quotidien dans son AT, et par des entretiens quotidiens avec moi qu’il négocie, ou plutôt qu’il vole dans tous mes interstices de temps libre. Vous entendez que la tyrannie n’est pas encore épuisée et tisse l’étoffe de ce transfert délirant très particulier. 

En conclusion : j’espère vous avoir montré dans cette évocation lointaine qui n’est pas une étude approfondie, le type d’entrelacs transférentiel qui peut se nouer ou se défaire dans l’institution. Le fait de reconnaitre que tout à tour chacun peut tenir la fonction de therapon, à condition de bien vouloir la supporter, n’est pas pour rien dans l’efficace des remaniements psychiques qui s’opèrent de part et d’autre. Encore cela suppose-t-il une élaboration permanente et le tracé d’une limite psychique qui n’a rien d’évident dans de tels maelstroms. Certains s’y épuisent, d’autres y mettent en acte « la passion-travail » expression qui m’est chère que j’ai chipée à Jean Oury. 

Le registre de la reconstruction de l’espace et du corps est omniprésent dans les séances, mais aussi dans la supervision et l’élaboration à partir de l’identification projective dans les interventions en AT. Il s’agit enfin d’être sensible à tout ce qui n’est pas encore de l’ordre du signifiant, et passe par l’éprouvé sensible dans le transfert/contre/transfert. Permettre ainsi l’advenue à la parole et à l’interlocution dans une ambiance « tout juste bonne » et accueillante. 

Patrick Chemla