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ACTUALITE DE LA PSYCHANALYSE A TROYES

Maison des associations, 63 avenue Pasteur, 10 000 TROYES

 

Troyes, le 2 décembre 2016

 

Monsieur le Député

 

Nous avons pris connaissance de la proposition de résolution sur la prise en charge de l’autisme présentée par Mr Daniel FASQUELLE.

Psychanalystes, psychiatres, psychologues dans votre département, nous aimerions pouvoir attirer votre attention sur quelques points qui nous rendent très perplexes par rapport à cette résolution :

  1. La prise en charge de l’autisme dans les structures que nous connaissons et dans lesquelles nous intervenons, ne relève nullement de « psychothérapies psychanalytiques » isolées, mais de l’investissement d’équipes intelligentes, patientes et créatives, ouvertes sur une pluralité d’approches thérapeutiques, éducatives, et pédagogiques dont elles apprécient la complémentarité. Elles manquent malheureusement bien souvent de moyens, ce qui ne les autorise à admettre que les enfants les plus atteints ; à ce sujet la multiplication alléguée du nombre d’autistes ces dernières années montre que dans ce spectre et dans les « guérisons » imputées à telle ou telle méthode, on trouve des pathologies très diverses qui n’ont parfois pas grand-chose à voir en gravité avec celles que rencontrent les hôpitaux de jour du secteur public comme les institutions médico-sociales de notre département.

  2. La présence de psychanalystes nous parait importante pour considérer chacun de ces enfants et chacune de ces familles comme unique, tous inscrits dans une histoire. Aucun être humain n’est réductible à son seul handicap. Par contre le handicap des enfants bouleverse la vie de leurs proches, souvent atteints au plus profond d’eux même par la blessure qu’il constitue. Avec le plus d’humanisme possible nous essayons d’aider parents, soignants et enfants à cheminer, et à trouver ou retrouver pour ces derniers du lien social. La pratique psychanalytique avec les enfants ou en institution nous semble bien loin de l‘image stéréotypée qui en circule.

  3. Nous pouvons comprendre que la douleur des parents entraine certains vers l’espoir d’une guérison par une méthode miracle, le rejet des équipes soignantes si ça ne va pas assez vite, et une pression sur les députés pour changer les choses.

  4. Mais malheureusement chacun de nous connait les énormes difficultés à cerner l’autisme, la complexité des débats et les incertitudes autour de ce sujet. En matière de santé nous ne pouvons être sans savoir que les vérités d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain. Aussi il parait extrêmement hasardeux de faire passer pour des injonctions les prudentes recommandations d’une HAS qui, en l’absence d’un consensus entre experts, a pris soin de classer l’approche psychanalytique dans la liste des méthodes non consensuelles. Ce qui ne veut pas dire non recommandées, et encore moins interdites.

  5. Il est fort dommage que les parents satisfaits d’une prise en charge choisie par eux, associant plusieurs méthodes et n’excluant nullement l’approche psychanalytique, soient si peu entendus ! Isolée, l’approche éducative ou rééducative ne prend pas en compte la dimension de la souffrance du sujet autiste qui doit pouvoir adresser, comme tout autre, une demande d’aide psychothérapique.

  6. Enfin, nous pensons que le débat sur les méthodes appropriées appartient au domaine médical et scientifique. La liberté de choix des personnes autistes et de leurs parents, comme celle de leurs pratiques pour les médecins et soignants nous semble vraiment à préserver, surtout dans un domaine aussi incertain. N’est-ce pas le moins qu’on puisse attendre en démocratie ?

Nous rejoignons l’espoir du président de la République, lors de la Conférence Nationale du Handicap le 19 mai 2016, quand il a souhaité en réponse à « l’appel des 111 » familles, que le 4ème plan autisme soit celui « de l’apaisement et du rassemblement. Parce que nous devons avoir toutes les réponses et les réponses les plus adaptées, sans préjugés et sans volonté d’imposer une solution plutôt qu’une autre ».

Dans l’espoir d’avoir participé à votre réflexion et de vous rencontrer pour vous faire part de ce qui se vit dans notre département, nous tenons à vous adresser nos salutations les meilleures.

Pour l’Association, sa Présidente

Docteur Béatrice Braun

Psychiatre, Psychanalyste