ASSEMBLEE GENERALE DU 11 JANVIER 2020.

 

Rapport moral de l’association APAT, Actualité de la Psychanalyse à Troyes.

Chers membres adhérents, collègues et amis, chers partenaires, ce rapport d’activité est l’occasion de redessiner chaque année les contours de l’association dans ses limites internes, définies par la rigueur et l’exigence du travail soumis à la pensée analytique, au delà desquelles il perdrait sa spécificité et se vulgariserait. Cette exigence de la pensée vaut pour les analystes, qui ont aussi, dans l’esprit de l’association à savoir parler de la façon dont on peut aller vers la psychanalyse sans pour autant devenir analyste.

Par son site et sa brochure, par les rencontres à de nombreuses occasions, l’association suscite un appel aux questionnements, un temps de l’approche au-delà du seuil imaginaire, pour soi-même ou dans nos pratiques professionnelles. C’est sa fonction de conquête de ce que sont les objets de la science analytique.

Dans ses limites externes, Apat ne doit pas se contenter d’être en relation avec « la rumeur du monde » mais bien avec le monde lui-même. C’est sa fonction politique, dans son rapport aux institutions et articulant la psychanalyse aux autres disciplines, à la culture et aux arts, considérant aussi que la psychanalyse a son propre contexte historique qui la précède et parfois la devance.

Il faut donc tenir ensemble l’inconscient et le politique, ne pas déclarer forfait contre ce que la société fait au sujet.

Les activités de l’association qui ont eu lieu au cours de l’année 2019 suivront donc les axes qui avaient été définis dans le rapport moral de l’an passé et que je me permets de rappeler: l’actuel comme acte analytique dans son engagement et son souci éthique, le fondamental structuré par les modèles théoriques et les cliniques multiples, le thérapeutique à l’adresse de pratiques diverses et le politique.

 

I- LES CONFERENCES

** Le 08 mars 2019, l’association a reçu Janine ALTOUNIAN, analysante et traductrice de Freud, héritière de survivants du génocide arménien. Elle a su rendre claire la notion de transmission intergénérationnelle des traumas, partager son expérience du travail de l’écriture dans sa valeur clinique de dégagement du trauma, comme fabrique, tissage d’un lieu incarné pour témoigner, entre l’intime et le public, entre l’acte de l’écriture et l’acte de publication. Le travail de la cure et le travail de traduction ont été pour elle deux autres lieux pour survivre et entrer dans son histoire.

Cette rencontre a eu lieu à l’Institut universitaire Rachi, dont les portes nous ont été gracieusement ouvertes par sa directrice, Madame Géraldine Roux.

** Le 03 avril, Roland GORI, professeur de psychopathologie clinique et psychanalyste a été accueilli en partenariat avec ce même Institut Rachi dans un amphithéâtre du Campus des Comtes de Champagne, sous l’autorisation de son administrateur Monsieur Xavier Claverie.

Les intentions parallèles d’inviter Roland Gori, d’une part celle de l’Institut Rachi en lien avec son séminaire sur la haine, d’autre part celle d’Apat dans ses réflexions sur la norme qui confisque les savoirs faires cliniques ont convergé pour accueillir ce penseur engagé dans le champ social et politique.

La naissance d’Apat en 2006 s’est produite dans la période où Roland GORI organisait, en réponse aux différentes attaques des années 2000 contre la psychanalyse, la coordination des Etats généraux de la Clinique avant de rejoindre « L’Appel des Appels ». Il rejoignait là les deux autres signataires déjà accueillis par l’association : Alain ABELHAUSER et Fethi BENSLAMA.

Venu présenter son dernier livre : « Un monde sans esprit. La fabrique des terroristes », il a abordé une clinique principalement collective, dans l’esprit d’une psychanalyse en extension, c’est-à-dire dans le siècle, et avec des références conceptuelles psychanalytiques, sociologiques, politiques et historiques. Réconcilier politique et culture pour créer une nouvelle révolution symbolique serait l’acte fondateur d’un nouveau pacte d’humanité.

** La conférence qui a suivi, le 14 juin, nous a permis de rencontrer Marie-Rose MORO, pédopsychiatre et psychanalyste, venue avec un titre à l’image de son engagement humaniste : « Aimer ses enfants ici et ailleurs. La diversité culturelle et sociale : un enjeu clinique, éducatif et politique ». Cette conférence gagnait à s’ouvrir aux étudiants et enseignants. Monsieur Claverie nous a accueillis dans le Campus universitaire et nous le remercions une fois encore d’avoir permis cette passerelle.

Marie-Rose MORO réfléchit depuis longtemps sur la façon dont le transculturel est pensé par les institutions, comment il croise de multiples questions autour de la laïcité, de la transmission du savoir, de la langue maternelle et de la langue d’adoption, etc. Son intervention portait un accent fort : celui du rôle que joue l’école de la République dans ce que Marie-Rose Moro nomme l’usage du monde, école pour laquelle la diversité est également une chance.

Le sens politique de son travail clinique évoque ce qu’on nommait « polis » dans la pensée grecque antique : une Cité-Etat avant tout sociale et humaine; ses concepts cliniques inspirés de l’ethnopsychiatrie permettent une inflexion intéressante par rapport à la clinique analytique.

** Le 11 octobre, l’association a accueilli Jacqueline SCHAEFFER, psychanalyste, venue parler sur le thème : « Qu’est la sexualité devenue ? ». L’intention de la conférencière était de rendre compte de ses réflexions sur les sexualités contemporaines,  « les pratiques qui tendraient à brouiller, nier le sexuel infantile toujours vivant en nous ».

Pour la première fois et faute de salle, nous avons organisé cette conférence dans un Théâtre : Le Quai, peu adéquat cependant.

La vie sexuelle ne se déclame pas ; bien qu’au cœur de la vie psychique, elle souffre toujours de la confusion entre l’acte et le fantasme. L’un pris pour l’autre et c’est tout le discours de l’inconscient qui ne tient plus. La vocation de l’association est de pouvoir s’adresser, dans ces conférences ouvertes à tous, professionnels ou non, à une assemblée où l’on vient parfois pour entendre parler de soi. Le sujet s’y prêtait et a suscité des témoignages spontanés et des réactions contrastées dont l’association a besoin pour se maintenir éveillée. Clinicienne aimant travailler à la volée, Jacqueline SCHAEFFER a fait partager son plaisir à penser et son intuition clinique lors du groupe clinique restreint du lendemain.

** Pour conclure l’année, le 07 décembre, l’association a accueilli, en partenariat avec le Bar-Lounge « Le Troyes Fois Plus », une comédienne, Chantal PETILLOT et l’auteure du texte et metteur en scène Roxane RIZVI pour leur spectacle « Nous Autres » ; texte écrit il y a vingt ans après une année passée en résidence artistique à la clinique de psychothérapie institutionnelle de la Chesnaie, le personnage mis en scène pourrait incarner la schizophrénie, dans un contexte de psychiatrie occidentale dit l’auteure. Mais c’est plutôt dit-elle « le choix d’une liberté à renoncer à une identité de fonction et de fiction ». Roxane Rizvi a accepté que son texte apparaisse sur le site d’Apat. Nous l’en remercions chaleureusement.

Ce n’est pas la première fois qu’Apat se tourne vers le théâtre pour y rencontrer une autre clinique du vivant. Cette expérience dernière, ce Théâtre hors les murs, ces artistes créant à partir de la nécessité de l’art face à la souffrance a été un évènement, tout autant que les échanges qui ont suivi.

Cette pièce pourra nous amener à reprendre ce qui est pensable du rapport entre psychose et psychanalyse, ou psychiatrie et psychanalyse, et aussi ce que la névrose nous apprend sur la psychose. C’est souvent dans la temporalité des après-coups que l’association travaille et ouvre de nouvelles directions.

 

 

 

II- LES GROUPES DE TRAVAIL

Les groupes de travail théorique ou théorico-clinique 

  • Lecture du séminaire XX : « Encore » de Lacan. Geneviève Grandin, Denis Schmitt

  • Séminaire d’introduction à la psychanalyse à partir de la lecture des textes freudiens fondateurs. Thierry Schmeltz

  • Cinéma et psychopathologie. Alain Gaillard

  • Travail autour de la pensée de Bion. Lecture du recueil : « Réflexion faite ». Anne Delafosse-Bazin

  • Sensibilisation à la psychanalyse à partir du texte de Freud : « Des fragments d’une analyse d’hystérie: Dora ». Alain Méry

  • Aborder Lacan. Lecture du premier séminaire de Lacan : « Les écrits techniques de Freud » et des textes freudiens commentés, actuellement : « Inhibition, symptôme, angoisse ». Danièle Lévy. Geneviève Grandin

  • Trauma, traumatisme. Penser l’impensable. Béatrice Braun

Les groupes de travail clinique :

  • Groupe ouvert plus particulièrement à de jeunes praticiens. Alain Méry

  • « Qu’est-ce qui nous arrive ? ». Les premiers entretiens. Sébastien Smirou

  • Clinique de l’enfant et de l’adolescent. Caroline Gilbert, Sylvie Maréchal

  • Clinique enfant-adulte. Brigitte Culioli

  • Groupe ouvert à tous ceux que leur pratique interroge, quelque soit leur exercice professionnel. Denis Schmitt

L’inter- secteur de psychiatrie de Brienne ainsi que le CMPP de Troyes ont renouvelé les conventions d’occupation de salles pour certains groupes. Nous en remercions une nouvelle fois les Directions.

Les rencontres du samedi :

Il s’agit d’une nouvelle forme de rencontres, dans un cadre permettant une réflexion approfondie sur des aspects précis de la pratique analytique, sur les modèles théoriques avec lesquels nous travaillons, et avec un nombre limité de participants, tous cliniciens et ayant une expérience de la psychanalyse.

La première rencontre a eu lieu autour de la question des premiers entretiens, proposée par Thierry Schmeltz, à partir du récit d’un début de cure.

Trois ou quatre rencontres sont prévues dans l’année.

 

III- PARTENARIATS ET INITIATIVES EN EXTENSION

Certains membres d’Apat initient ou soutiennent des projets en dehors du cadre de l’association mais dont nous voulons signifier l’effet dynamique pour les collègues de la région, adhérents ou non.

Concernant les partenariats :

** La Médiathèque et Apat ont continué leur collaboration pour l’acquisition de livres, dvd etc. et les échanges sur les demandes du public.

** Nous rappelons le partenariat avec le Campus Universitaire et Monsieur Xavier Claverie.

Concernant les activités en extension :

** Depuis plusieurs années, des rencontres cliniques ont lieu à la Clinique psychiatrique de l’Aube sur l’initiative d’Andrée Ortega et de l’Amicale des psychiatres privés de l’Aube, de Danièle Lévy et avec le soutien de Brigitte Rubin, psychiatre à la CPA, toutes trois adhérentes d’Apat. La présentation d’un patient est suivie d’une discussion clinique lors d’une autre rencontre. Ces séances ont lieu deux fois par an.

** Sur l’initiative mutuelle de Géraldine Roux, directrice de l’Institut Universitaire Européen Rachi et de Danièle Lévy, membre d’Apat, l’iitut présente depuis plusieurs années un séminaire intitulé : « Approches psychanalytiques ». Ce sont souvent des membres d’Apat qui viennent y parler mais non exclusivement. Il s’est poursuivi en 2019 autour du titre « Parlez-moi d’amour ». Comment les psychanalystes entendent-ils les formes variées de l’amour dans la réalité quotidienne ? Un nouveau cycle de six séances a démarré en novembre 2019 sur le thème : « Le père ». Qu’est-ce qu’être un père ? Qu’est-ce qu’avoir un père ? Ou ne pas en avoir ?

Certains textes apparaissent sur le site de l’association.

** Deux groupes de pratique du psychodrame ont été ouverts et une association fondée par Béatrice Braun et Thierry Schmeltz, membres d’Apat qui avaient organisé l’an passé une conférence au sein de l’association sur cette pratique.

Par là, nous saisissons depuis plusieurs années maintenant, et dans ce que fut l’esprit de sa création, les effets porteurs de l’existence d’une association contribuant, comme il est dit dans les statuts d’Apat à faire connaitre la psychanalyse dans la région, en croisant d’autres lieux d’enseignement, de soin, de culture, dans des apports réciproques et sans perdre les limites du cadre de son fonctionnement interne.

Les membres de l’association sont parfois en contact avec des collègues de sociétés de psychanalyse ou de leurs antennes régionales. Que ce soit à Reims, en Bourgogne-Franche-Comté ou à Paris, ils travaillent ensemble, écrivent des textes et font connaitre l’association aussi bien qu’ils la nourrissent de ces apports extérieurs. Ces échangent font aussi partie des activités en extension d’Apat.

IV- VIE ASSOCIATIVE ET VIE PUBLIQUE

** La présidente s’est rendue à l’invitation de deux rencontres entre la municipalité et la vie associative troyenne, pour représenter Apat.

C’était l’occasion de faire connaître l’existence de l’association en parlant de notre travail ouvert sur le monde social. Ont été rappelés des thèmes abordés lors de conférences, tels la souffrance au travail, la ou les radicalisations, et concernant le délitement du lien social, sujet qui rencontre la préoccupation du Maire dans ce qu’il appréhende des nouvelles manifestations de la haine par exemple, de la situation très inquiétante de la psychiatrie auboise également.

Nous rappelions ainsi que la psychanalyse a quelque chose à dire sur ces signes de désordre dans la relation entre l’individuel et le collectif ; et insistions sur le fait que les associations, dans toute leur diversité sont des observatoires de la vie sociale locale. Apat tient à faire partie de ce réseau associatif.

C’était aussi l’occasion de prendre contact avec certains interlocuteurs de la politique sociale de la Ville de Troyes, étant dit que la municipalité peut avoir besoin d’échanger sur certains sujets.

** Le 20 mars, trois membres d’Apat ont assisté à la projection du film documentaire et de fiction « Le phallus et le néant » dans une salle de cinéma troyenne et en présence de sa réalisatrice, Sophie Robert, qui s’attaquait cette fois à « La théorie sexuelle » après avoir, dans un premier film, attaqué la psychanalyse dans son travail auprès des enfants autistes. Destiné à être largement diffusé à un public non averti, il a tourné dans de nombreuses salles françaises en présence de sa réalisatrice et a bénéficié d’une promotion importante dans la presse, à la télévision et sur les réseaux sociaux. Il démonte sauvagement à la fois le discours des psychanalystes interviewés à partir de leur expérience clinique, et la psychanalyse dans ses fondements scientifiques. Attaque haineuse à l’égard des analystes et, il ne faut pas l’oublier, à l’égard des analysants dans leur expérience intime avec la psychanalyse.

Un texte a été écrit par ces trois membres. C’est une base pour continuer de réfléchir au sein d’Apat à la façon de communiquer sur la psychanalyse, de travailler rigoureusement sur ce qu’il s’agit de maintenir dynamique dans la réflexion sur ses méthodes, ses pratiques en cabinet ou en institution dans le monde actuel.

Plus largement, le site permet la diffusion d’informations sur les mouvements organisés à un niveau national, de textes, de manifestes pensés pour la défense de la psychanalyse face à ce qui tend à l’exclure.

** Pour conclure, la psychanalyse que l’association soutient est celle qui ne se replie pas sur ses convictions, celle qui fait appel aux autres disciplines pour se penser dans le monde d’aujourd’hui, c’est une psychanalyse qui se transmet des plus anciens aux plus jeunes ; mais l’évolution de l’association dans ce monde actuel passe par ce que les jeunes professionnels ont à produire pour s’emparer de leur désir de repousser les limites de la connaissance de la vie psychique, d’y créer des façons renouvelées de penser le soin psychique et la relation de transfert, et de se représenter les formes d’existence de l’inconscient. L’association, en tant que force collective, espère apporter ce soutien-là aux jeunes générations intéressées par la psychanalyse. Elle espère aussi inventer toujours plus de moyens pour se trouver là et présenter une façon de communiquer sur la psychanalyse, qui permette au moment où le plus d’individus pourraient en avoir besoin d’en saisir la portée pour les différentes réalités qu’ils ont à vivre.

Et continuer de rencontrer ceux qui viennent en passant, et parfois reviennent pour y trouver le plaisir de questionner et se questionner.

Anne Delafosse-Bazin, présidente, le 11 janvier 2020