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ASSEMBLEE GENERALE DE L’ASSOCIATION

« ACTUALITE DE LA PSYCHANALYSE A TROYES » 

Au Petit Louvre, samedi 26 février 2022.

RAPPORT D’ACTIVITE ANNEE 2021

 

Chère adhérente, cher adhérent, chers collègues, chers partenaires,

Lorsqu’un psychanalyste disparait, en ayant pu transformer les enseignements reçus par sa formation et avoir su, par expérience, transmettre des idées inédites, souvent après le travail d’une vie, il faut en témoigner, témoigner d’un pas conquis sur l’obscurité du champ qu’explore depuis un peu plus d’un siècle la discipline analytique, d’un pas conquis aussi sur ce qu’on prétend qu’elle n’est pas lorsqu’on l’attaque : une science. C’était pourtant à cet effort de scientificité que Freud attachait la valeur éthique de la pratique analytique, effort qui consiste d’abord à accepter le fait d’être limité dans la connaissance ; une science qui doute et questionne aussi le désir de ceux qui en font l’expérience. Faire avancer la psychanalyse, c’est faire avancer nos modes de pensée personnels, et agir. On demande aux analystes de penser et argumenter pourquoi ils pensent comme ils pensent, et font comme ils font, non de penser et faire pareil.

Andrée Lehmann était venue nous  parler de son travail en 2012 puis revenue à d’autres occasions, parce qu’elle aimait voir vivre l’association. Elle nous a quittés en janvier, à 98 ans, et nous voulons lui rendre hommage, pour avoir fait avancer la psychanalyse en transmettant son expérience en milieu hospitalier auprès de patients gravement malades, et notamment de femmes atteintes d’un cancer du sein. Il s’agissait là de faire exister l’inconnaissable d’une vie psychique face à sa condition humaine et d’une parole reconnue comme une promesse, face à la science des certitudes, au discours de vérité sans ombre du diagnostic médical qui est le discours du désastre, des astres tombés du ciel.

L’homme de science qu’était Freud cherchait à lever le refoulement sur des souvenirs de désirs inconscients et leurs représentations coupables.

Mais il avait aussi ouvert la voie à l’analyse des défenses humaines face à l’impossible de l’existence, au non représentable, l’innommable que Bion et Lacan, Green et d’autres ont posé ensuite comme ce qui pousse à aller vers autrui et tenter de parler, de trouver les formulations, condition même du devenir sujet pour peu qu’un autre y soit.

L’épreuve de la pandémie que l’on espère déclinante, nous en a livré une certaine preuve.

La clinique contemporaine est prise aussi dans des mutations de langage, dans un autre rapport à la temporalité des cures, etc. Elle a à repousser sans cesse les limites des territoires de l’inanalysable, ceux par exemple où la destructivité s’empare des sujets, et à renouveler l’effort de penser sa praxis, c’est-à-dire du lien entre la théorie et l’expérience.

Beaucoup de jeunes praticiens travaillant dans des institutions se demandent aujourd’hui comment ils vont continuer à ouvrir et maintenir ouvert l’espace intersubjectif pour accueillir ou d’abord donner forme à la parole de l’inconscient qui donne à la vie psychique l’énergie de se réinventer, mais aussi celle de toutes les formes humaines de détresse psychique. La reconnaissance de nos limites, malgré ce qu’une certaine science voudrait nous faire croire, ce qui nous fait donc aller chercher une écoute chez le prochain, c’est une garantie pour le lien social. A qui peut-on faire confiance ? A qui allons-nous parler ?

Les institutions d’accueil thérapeutique et d’autres cadres de pratiques s’éloignent depuis quelques temps de cette dimension de la rencontre au bénéfice d’une réadaptation des comportements. Nous en sommes très préoccupés.

L’association A.P.AT est un lieu de rencontre pour échanger sur ces champs d’élaboration nouveaux et ces modèles de vie institutionnelle réfutables.

Elle entre dans sa seizième année, c’est une génération, et nous sommes très heureux de voir arriver de jeunes praticiens que nous espérions pouvoir accueillir, lors de la fondation d’A.P.AT, alors qu’ils pouvaient se trouver isolés dans leurs institutions.

L’association poursuit ainsi son travail pris dans le double sens du terme « actualité » qu’elle porte en son nom: quels actes, soutenus par la pensée analytique, continuer d’engager, et dans quelles réalités actuelles ?

 

I. LES CONFERENCES

Un nouveau confinement nous a contraints à réfléchir à la façon de concevoir une conférence en lien audiovisuel uniquement.

** Le 10 avril, sur une initiative de Jean-Luc DIOT, l’association a ainsi pu organiser un débat autour du film « PSYCHANALYSES EN TEMPS DE CONFINEMENT », du psychanalyste et cinéaste Pascal LAETHIER, en collaboration avec le réalisateur Clovis STOCCHETTI ayant recueilli des témoignages de psychanalystes et psychologues et d’un professeur de piano, sur leurs pratiques pendant le confinement.

La réalisation de ce film est partie d’une intuition sur ce que la pandémie produit comme effet sur les relations sociales, et au-delà, sur l’hypothèse d’un véritable tournant structurel de civilisation qui serait en train de se produire, notamment par les nouvelles formes de communication. A partir de ce documentaire, nous avons pu débattre sur nos pratiques, sur ce que le confinement a modifié des dispositifs habituels de rencontre avec les patients, en libéral comme en institution.

Pascal LAETHIER a fait également un appel à témoignages en prévision d’un film dont le projet est de présenter la psychanalyse à partir de ceux qui en ont fait l’expérience en tant qu’analysants.

** Le 09 octobre, cette fois-ci sur place, et sur une proposition de Danièle LEVY et Alain MERY, nous avons reçu les psychanalystes Anne JOOS et Jean-Pierre LEBRUN, sur le thème : « LA RENCONTRE DANS LE TRAVAIL SOCIAL », à partir de la parution récente de leur livre : «  LA CLINIQUE DU QUOTIDIEN : ENJEUX DE LA RENCONTRE DANS LE TRAVAIL SOCIAL ». L’objet de cet ouvrage était  de restituer de manière subtile le travail d’un groupe d’intervenants psycho-sociaux de toutes formations, qu’ils ont animé pendant 12 ans autour de situations cliniques problématiques à la frontière entre la psychanalyse, la clinique psycho-sociale et la sociologie. Deux aspects théorico-cliniques ont été plus précisément soulevés pendant la conférence: la question de la rencontre, et celle de l’autorité dans le monde d’aujourd’hui.

Le groupe de travail clinique qui a suivi la conférence a permis d’échanger avec de jeunes praticiens sur des difficultés de pratiques institutionnelles.

** Le 11 décembre, Brigitte MARTINEZ-TARTOIS proposait une lecture-débat, en partenariat avec la Médiathèque de Troyes Champagne Métropole, à partir du livre « L’INTRANQUILLE : AUTOPORTRAIT D’UN FILS, D’UN PEINTRE, D’UN FOU», de Gérard GAROUSTE et Judith PERRIGNON. La lecture de larges extraits était faite par le comédien et metteur en scène Benoit OLIVIER, « passeur vocal » comme il se désigne ; le texte écrit et lu par notre collègue Christine Salas sur la vie et l’œuvre du peintre amenait ensuite le débat avec la salle.

Cette lecture-débat, originale dans l’expérience sensible qu’elle proposait à l’auditoire, ouvrait aussi la pensée sur la création artistique et les transformations d’une œuvre par le travail conjoint de la lecture et de l’écriture.

Nous remercions vivement Madame Patricia REMY, Directrice -adjointe en charge des services aux publics de la Médiathèque, qui nous a accueillis et mis à notre disposition les services administratif et technique.

Nous avions déjà eu l’occasion de nous rencontrer une fois par an pendant plusieurs années pour suggérer l’achat d’ouvrages de psychanalyse, à destination du public de la Médiathèque, en évitant l’écueil de la vulgarisation.

Cette lecture-débat a permis d’accueillir dans ce lieu une assistance en partie renouvelée pour l’association et de créer un biais par rapport à l’entre soi psychanalytique, grâce, entre autres, à la présence d’artistes.

 

II. LES GROUPES DE TRAVAIL

Nous voudrions commencer par remercier Alain GAILLARD responsable du groupe « Psychopathologie et cinéma», et ses participants, qui ont décidé de mettre fin à cette activité en septembre dernier, après s’être rencontrés depuis 2009 autour de 91 films. Ils nous parleront tout à l’heure de cette épopée artistique et clinique.

Depuis 10 ans, Thierry SCHMELTZ animait le séminaire « Introduction à la psychanalyse ». Les participants ont récemment mis fin à ce groupe. Un nouveau séminaire pourrait s’ouvrir dans quelques temps, dont le responsable nous parlera également tout à l’heure..

LES GROUPES DE TRAVAIL CLINIQUE :

-          Le 4ième mercredi : pour des personnes travaillant en libéral comme en institution. Ayant une activité clinique auprès d’enfants ou d’adultes. Responsable, Brigitte CULIOLI

-          Le 3ième jeudi : groupe ouvert à tout professionnel qui souhaite questionner sa pratique. Responsable, Denis SCHMITT

-          Un lundi par mois : groupe constitué de professionnels encore en début de carrière et de professionnels confirmés. Responsable, Alain MERY

-          Le 4ième lundi : « Qu’est-ce qui nous arrive ? » : clinique des premiers entretiens. Responsable : Sébastien SMIROU

 

LES GROUPES DE TRAVAIL THEORICO-CLINIQUE :

-          Le 2ième samedi : « Le sujet et le lien social ». Les participants questionnent l’articulation entre le fonctionnement psychique du sujet qui tend à se marginaliser et le fonctionnement de la société d’aujourd’hui. C’est un nouveau groupe. Responsables : Pauline HAGER et Carine MALICHIER.

-          Le 2ième lundi : travail sur la lecture du Séminaire XX, « Encore », de Lacan. Responsables : Geneviève GRANDIN, Denis SCHMITT.

-          Le 2ième mardi : travail autour de la pensée de Wilfred Bion. Responsable : Anne DELAFOSSE BAZIN

-          Le 3ième mercredi : « Aborder Lacan ». Responsables : Geneviève GRANDIN, Danièle LEVY.

-          Le 3ième mercredi : « Trauma, traumatisme, penser l’impensable ». Responsables : Béatrice BRAUN, Thierry SCHMELTZ

-        Un mercredi par mois : « Sensibilisation à la psychanalyse : fragments d’une analyse d’hystérie. Le cas Dora ». Responsable : Alain MERY

LES RENCONTRES DU SAMEDI :

Cet atelier du samedi a pour objectif de réunir des cliniciens travaillant à partir des fondements de la pensée freudienne. A l’occasion du film de Pascal LAETHIER évoqué plus haut, un groupe s’est réuni pour poursuivre les échanges sur les conceptions analytiques des notions de cadre et de dispositif. Nous ne savons pas quel sera l’avenir de ces rencontres mais souhaitons qu’il perdure.

A.P.A.T ET LA COMMUNICATION :

Faire vivre le site internet de l’association est une activité importante. C’est une fonction à part entière, tenue depuis le début par Denis SCHMITT, conjointement au poste de secrétariat. Une lettre trimestrielle adressée aux adhérents a été créée cette année. De jeunes collègues ont également créé une page Facebook et réfléchissent à la façon d’élargir les moyens d’identifier l’association, comme par la création d’un logo et de la faire connaitre plus largement, dans la place qu’elle donne à la psychanalyse dans l’espace public.

 

III. PARTENARIATS

Nous remercions Madame Jeannine JACQUOT, Directrice déléguée, pour sa confiance et la considération de notre travail, et les cadres de santé qui participent à l’organisation pratique de cette convention, avec l’aide de notre collègue Nathalie BOULET.

Les écrits de psychanalystes côtoient ceux des philosophes sur les rayonnages, suivant leurs liens historiques. Nous remercions également la bibliothécaire de l’Institut, Marie SAINT-JOANNET qui organise la mise en place des nombreux dons reçus récemment par A.P.A.T

 

IV. A.P.A.T DANS LA CITE

 

A l’origine, il y a Freud et une fidélité de l’association à sa pensée, celle qu’il soutenait après la première guerre mondiale : ouvrir des établissements pouvant proposer des traitements psychanalytiques gratuits aux populations démunies, civiles et militaires.

« Par rapport à l’immense misère névrotique répandue sur la terre et qui, peut-être, pourrait ne pas exister, ce que nous arrivons à faire est à peu près négligeable »

« Admettons maintenant que, grâce à quelque organisation nouvelle, le nombre d’analystes s’accroisse à tel point que nous parvenions à traiter des foules de gens. On peut prévoir, d’autre part, qu’un jour la conscience sociale s’éveillera et rappellera à la collectivité que les pauvres ont les mêmes droits à un secours psychique qu’à l’aide chirurgicale qui lui est déjà assurée par la chirurgie salvatrice ».

« Nous nous verrons alors obligés d’adapter notre technique à ces conditions nouvelles »

« Quelle que soit la forme de cette psychothérapie populaire et de ses éléments, les parties les plus importantes, les plus actives demeureront celles qui auront été empruntées à la stricte psychanalyse dénuée de tout parti pris » 1918. Il comptait sur l’Etat pour reconnaitre « une telle urgence ».

L’idée était en germe au moment de la création de l’association en 2006.

Les circonstances récentes l’ont transformée en une réalité qui va prendre forme dans le cadre d’une nouvelle association, sous l’égide d’A.P.A.T, qui s’appellera C.P.A.T : CONSULTATION PSYCHANALYTIQUE A TROYES.

Le dispositif se définira comme l’accueil entre un professionnel formé à l’écoute analytique et toute personne de tout âge qui en fera la demande. Il sera gratuit et inscrit dans le cadre d’une coopération entre l’association et la Municipalité, et éventuellement d’autres partenaires. Céline BLOTT et Marc BRET sont nos interlocuteurs et une convention de partenariat sera créée. Leur engagement auprès des membres d’A.P.AT depuis la création de la cellule d’écoute est un appui d’une grande importance pour les actions de l’association tournées vers l’extérieur et nous leur exprimons notre reconnaissance.

 

V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Elaborée depuis un an, la création officielle de cette association doit se mettre en place dans les mois qui viennent.

Les autres activités déclinées plus haut se poursuivront au sein d’A.P.AT. La psychanalyse que soutient l’association est celle d’un désir collectif de la faire vivre dans la pluralité de ses courants de pensée et dans les transformations sociales et culturelles qui la traversent.

Les conférences proposées doivent continuer d’ouvrir l’association vers l’originalité d’une pensée et d’une pratique d’un psychanalyste extérieur à ses membres. Ce détour par l’extérieur tient aussi à la création de projets avec nos partenaires.

La longévité des groupes de travail théorique et clinique montre que ce qui s’y travaille est dans la dynamique même de la pensée analytique, c’est-à-dire par association d’idées, que ce soit à partir d’un texte ou d’un patient, et sans se hâter de comprendre. On peut essayer d’y conceptualiser certaines pensées flottantes.

La technique psychanalytique inventée par Freud est l’œuvre de changements incessants sur la façon d’être partie prenante du processus, transférentiel et autre.

Appliquée dans des modalités variées autres que celle de la cure, la clinique institutionnelle orientée par la pensée freudienne confronte aujourd’hui les différents professionnels à la difficulté de maintenir leur éthique d’une écoute des personnes dans leur position subjective.

Prendre le temps de formuler et déployer ces situations dans les groupes de travail transforme les représentations, agit sur les résistances et peut aussi, parfois, donner jusqu’au courage de continuer, lorsque l’institution malmène.

Dans l’évolution interne à l’association, nous voyons apparaitre une nouvelle génération de collègues qui viennent partager leur pratique clinique avec une énergie revigorante et une résonnance forte au monde actuel. Nous les accueillons dans l’esprit d’un apprentissage mutuel entre jeunes et moins jeunes, chacun pris dans l’expérience du vivant de cette pratique, aussi bien dans ses dénouements que ses impasses ; chacun participe également à l’expérience commune d’une vie associative.

Le questionnement propre à A.P.AT sur « qu’est-ce que l’expérience analytique et qu’est-ce qu’avoir une position analytique », peut inciter certains à aller vers d’autres lieux plus spécifiquement formateurs. C’est une fonction de passerelle importante de l’association.

Enfin, l’association travaille à une réflexion permanente sur les valeurs collectives qui relient ses membres, pour maintenir ou renouveler le plaisir à penser ensemble.

 

Anne Delafosse-Bazin,

Le 26 février 2022.