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22 février 2012

Conférence à l’Institut Universitaire Rachi de Troyes

Episode I

Je vais parler comme on ne doit pas, rétroactivement. On ironise souvent sur les sciences humaines en remarquant qu’elles savent « prédire » le passé, c’est-à-dire expliquer ce qui est déjà arrivé, mais qu’elles se trompent toujours concernant le futur. Au moment où les psychothérapies devenaient une affaire publique et même avant, j’avais travaillé sur cette question pendant plusieurs années. Il y avait le projet d’une sorte d’encyclopédie des psychothérapies, projet qui ne s’est pas réalisé car je ne voyais pas de continuité entre les psychothérapies et la psychanalyse, mais le point de divergence était difficile à expliquer. En revanche, j’ai été surprise de trouver dans les documents portant sur les débuts de la psychothérapie bien des découvertes remarquables qui pouvaient passer pour des antécédents de la psychanalyse. Autrement dit, les débuts étaient vraiment intéressants. Ce qui est venu ensuite l’est beaucoup moins, sans doute parce que les discours visant à valoriser telle ou telle méthode sont beaucoup moins riches que l’exploration de l’inconnu. Un examen des multiples « méthodes de psychothérapie » actuelles (plusieurs centaines dans les années 1990-2000) n’apporte pas grand chose de nouveau, si ce n’est l’affirmation triomphaliste des méthodes qui se présentent comme « scientifiques », j’ai nommé les comportementalo-cognitivistes, avec l’assistance plus ou moins appuyée de l’imagerie cérébrale. « Sentiment de triomphe », dit Freud avec sa justesse vertigineuse, c’est ce qui arrive quand le Surmoi pense avoir gagné la partie. Il y a quelque chose de cet ordre dans l’arrogance actuelle des partisans de ces méthodes, par exemple leurs récentes prétentions de suffisance concernant l’autisme.

En reprenant ce travail dans la perspective de la conférence d’aujourd’hui m’est revenu ce qui pourrait bien être la source vive de l’ensemble de ce travail. Une des premières fois que j’assistais au séminaire, Lacan posa soudain cette curieuse question : où était l’inconscient avant Freud ? Cette question m’avait paru saugrenue et jetée dans l’embarras – l’embarras, une forme mineure de l’angoisse, dit Lacan. Peut-être parce que je venais de la philosophie ; à peine avais-je commencé l’analyse. Les philosophes s’efforcent toujours de rejoindre le réel par la puissance de la pensée. Leur effort n’est pas sans mérite, ils vont au-delà des banalités reçues, ils ont des trouvailles. Mais pour un psychanalyste, le réel n’est pas intégrable dans la pensée, même si on essaie toujours de le capter par la parole, le discours, l’écrit … Mon patient travail d’enquête, avec ses côtés étranges, avait donc pour moteur cette devinette posée par Lacan voici quarante ans et qui me touchait personnellement. Je remercie APAT et RACHI d’avoir permis que reviennent au jour et ce travail et sa source transférentielle.

Où était l’inconscient avant Freud ? La réponse était évidente : bien sûr que l’inconscient existait avant d’être nommé. L’inconscient est à l’oeuvre depuis que les hommes parlent, avec probablement des variantes suivant les cultures. Je suis allée voir en quel sens on peut dire que la dimension inconsciente était déjà là, présente et sensible dans notre culture. Je ne suis pas compétente en ce qui concerne les autres cultures, car une connaissance en amateur n’y suffit pas. La civilisation va beaucoup plus profond que nos goûts.

L’inconscient était déjà là, est-ce une illusion rétrospective ? Peut-être, pour qui persiste à douter de l’existence de l’inconscient. Pour moi, je ne doute pas de la présence constante d’une dimension inconsciente dans ce qu’on appelle de nos jours le psychisme et c’est du lieu de cette conviction acquise, et du savoir accumulé depuis, que j’exposerai ce qui suit.

L’inconscient, ne me demandez pas ce que c’est. Une directrice du magazine ELLE en a donné un jour de meeting une définition irréprochable dans chacun de ses termes : « L’inconscient, ce truc incroyable dont ne sait pas qui tire les ficelles de quoi » ! Je ne doute pas de la réalité de ces mécanismes bizarres que Freud a décrits chez l’humain. J’espère qu’à la fin de ce cycle de conférences, nos auditeurs auront une idée un peu plus précise de ce dont il s’agit avec la psychanalyse.

 

I. Il y a savoir et savoir

Trois considérations préalables me paraissent utiles pour entrer dans le vif du sujet : un point de départ paradoxal et deux différenciations à opérer. Préalables ? ce sont plutôt des conclusions générales qui me sont venues après-coup et qui permettent d’introduire un minimum d’ordre dans le chaos des impressions.

Le point de départ est de constater que la psychanalyse n’a presque rien inventé. Presque tout était déjà là ; ne manquait que l’essentiel, dont mes collègues vous parleront.

Les deux distinctions à opérer :

- La première, entre les connaissances issues de la psychanalyse, ce qu’on découvre ou redécouvre grâce à elle, et la méthode proprement dite, théorie et pratique.

- La seconde, ne pas croire que le savoir est un, mais distinguer entre les savoirs officiels, reconnus, légitimes, et d’autres savoirs locaux, latéraux, parfois tenus à la marge. Il y a des savoirs irrécusables, dont on ne peut pas douter, et d’autres que l’on peut ignorer ou « révoquer en doute », comme disait en son temps le philosophe Descartes. Ce sont surtout ceux-là dont la psychanalyse confirme la valeur.

Les trois-quarts de ce que la psychanalyse a mis en évidence, on le savait déjà ! Presque tout était connu, su, dit, montré, ici et là, de différentes façons. Ce sera l’objet d’une première partie. Mais ces savoirs n’étaient pas du côté de l’indiscutable.

La méthode psychanalytique est beaucoup moins bien comprise, tant dans son côté théorique que, moins encore, dans son côté pratique. Elle n’est ce pendant pas tout à fait sans exemple. Il a existé de nombreuses façons de faire parentes, presque pareilles – mais une petite différence peut entraîner de grands changements. Ce sera l’objet d’une deuxième partie, historique, centrée sur la (re)découverte du phénomène psychothérapique au XIXe siècle.

Enfin, une troisième partie exposera sommairement qui était celui qui a inventé la psychanalyse ? D’où sortait-il ? Comment a-t-il pu inventer une pratique si étrange et une théorie si bizarre, séduisante par certains côtés, si peu croyable par d’autres ?

 

1) Distinction 1. Les connaissances issues de la psychanalyse

Il y a une différence à faire entre d’une part, les connaissances issues de la psychanalyse, ce qu’elle permet de savoir sur les humains et sur la marche de leur monde, et d’autre part la méthode psychanalytique proprement dite, c’est-à-dire une pratique articulée à une ou des théories.

Une grande partie des connaissances issues de la psychanalyse est aujourd’hui passée dans le domaine public, intégrée dans le discours courant. Par exemple des notions d’origine psychanalytiques sont couramment utilisées dans les scènes de ménage : la femme castratrice, le macho, l’attachement excessif de l’un ou de l’autre (c’est toujours l’autre !) à sa mère ou son père, le refus de la sexualité ou l’obsession sexuelle. La névrose d’échec est couramment invoquée dans les champs les plus divers, elle est déconseillée dans les entretiens d’embauche des cadres ! Dans le champ de la justice, les références à un savoir d’origine psychanalytique sont constantes (invoquées comme circonstances atténuantes !). Dans la vie quotidienne, on plaisante sur les lapsus et actes manqués (le parapluie, les clés, etc.) ; on mentionne facilement le refoulement, renommé répression, le complexe d’Œdipe, les pulsions sadiques ou masochistes, mais c’est pour se présenter soi-même comme exempt de telles limitations.

Sitôt inventée, la psychanalyse a totalement bouleversé la pédagogie –même si des mouvements libertaires l’avaient précédée de peu. Dans l’éducation des enfants, la mère dévorante ou abandonnique - les mères ont toujours tort, et elles se voudraient toutes irréprochables ; le père faible, ou tyrannique, ou séducteur ; les étapes du développement de l’enfant et son besoin d’être respecté ; le doudou, autre nom d’une découverte du psychanalyste anglais Winnicott... On attribue couramment à la psychanalyse la libération des mœurs, la promotion de l’individualisme et du « droit au plaisir ». Ce ne sont pourtant pas les psychanalystes qui ont fait la révolution de 1789 !

Auparavant, disons jusqu’à la Renaissance et encore longtemps après, il n’était attendu de chacun qu’une chose : qu’il se tienne à sa place dans le rôle que la société lui désignait. A noter que cela n’allait pas sans protestation ni révolte : les esclaves, les serfs (et les seigneurs) avaient leurs jacqueries, les émeutes ouvrières de la révolution industrielle. Cette dimension de la révolte et du refus n’est jamais absente d’aucune société. Nous le savons, mais ne cessons pas de faire comme si chaque sursaut était une regrettable erreur : bel exemple de ces savoirs que la psychanalyse controuve et qui restent comme ignorés. Côté respect de l’ordre établi, on est en moyenne à 2/3 - 1/3, comme le montrent les votes en démocratie. L’avènement du christianisme a cristallisé cet état de fait en apportant pour les humbles l’espoir d’une revanche … mais dans une autre vie.

Le refus de la domination s’exprime de différentes façons, « mauvaise volonté », obstruction, débilité, départ ou émigration, insurrection parfois. Mais l’insatisfaction peut aussi susciter la créativité et parfois, des inventions se répandent et changent un peu la vie. Aux protestations ouvertes il est répondu d’abord par l’ignorance, puis par la négligence, enfin par la répression. Freud mettra longtemps à reconnaître que les individus sont nécessairement révoltés par l’interdit social de satisfaire leurs pulsions primaires et que les civilisations ne se maintiennent qu’en évoluant, c’est-à-dire, en admettant sans cesse des formations de compromis.

Mais comme l’indiquent des glissements du vocabulaire, par exemple de refoulement (acte subjectivement et socialement nécessaire) à répression, cette vulgarisation des connaissances issues de la psychanalyse est toujours approximative, partielle, partiale. Quelque chose d’essentiel est perdu.

 

2) Distinction 2 : il y a savoir et savoir

Dans toutes les cultures coexistent plusieurs types de savoirs. Un, parfois deux, sont dominants et considérés comme légitimes. Par exemple, l’autorité du Prince et celle de l’Eglise peuvent s’accompagner de luttes d’influence plus ou moins ouvertes. Ces savoirs dominants s’imposent, ils sont incontestables, et celui qui s’en écarte paie le prix de sa divagation : la dernière sorcière a été brûlée en France il y a moins de trois siècles, le malheureux champion de la « Mémoire de l’eau », qui s’appelait Benveniste, ne trouve plus de labo où poursuivre ses recherches.

Mais il existe toujours d’autres savoirs, latéraux, plus ou moins indépendants, locaux : ce sont souvent des savoirs liés à une pratique, par exemple, la médecine, les savoir-faire techniques et ceux qui s’expriment dans les arts. Ils existent à côté des grands et parfois sont des ferments de contestation : par exemple, l’interdiction de disséquer les cadavres jusqu’après la Renaissance, ou les mésaventures de Galilée.

De nos jours, c’est la rationalité scientifique qui fait autorité. La connaissance scientifique est incontestable, c’est pour ainsi dire sa définition. L’eau bout toujours à 100°, un peu plus, ou un peu moins, suivant l’altitude et d’autres conditions. Si vous chauffez de l’eau, elle se transformera nécessairement en vapeur à un moment ou à un autre. Les masses s’attirent, quelles qu’elles soient, seules entrent en jeu la mesure de la masse et de la distance qui les sépare, c’est la fameuse équation de Newton à laquelle nous reviendrons. Un savoir scientifique est un savoir qui prévoit que dans des conditions définies et mesurables, les mêmes choses arriveront nécessairement. Le résultat doit être le même chaque fois qu’on recommence l’expérience. Il n’y a pas d’exception et s’il en paraît une, le savoir sera à reconstruire. La vérification est donc un moment essentiel de ce type de connaissance, on l’appelle aujourd’hui « validation ». Ce qui ne cadre pas dans ce système de référence n’a pas sa place et n’est pas valorisé.

Les connaissances issues de la psychanalyse trouvent-elles place dans une telle conception du savoir ? Oui et non. Prenons l’exemple du deuil. Je peux prédire que si l’un de vos proches meurt, vous aurez des répercussions. Mais vous ne les ressentirez pas nécessairement comme telles. Vous pouvez me répondre : pas du tout, ça dépend des gens ! Ma cousine a perdu sa mère récemment et personne ne l’a jamais vue pleurer. Elle paraît en pleine forme, elle n’a jamais autant travaillé, elle vient de rencontrer un homme qui lui plaît… A la suite d’un deuil, vous n’êtes pas forcément triste. Comme le héros de Camus, vous pouvez n’en donner aucun signe extérieur. « Aujourd’hui maman est morte », c’est la première phrase de L’étranger. Maman est morte, je peux enfin lui tourner le dos, prendre du bon temps avec ma petite amie, me disputer avec le voisin, passer ma vie au soleil, etc. On connaît la suite, c’est le soleil qui tape sur le système… Vous pouvez aussi tomber malade à répétition, c’est ce qui arrive souvent en cas de veuvage. Ou passer au degré supérieur d’activité, changer de métier, de famille, de pays, de caractère. Ou continuer votre vie comme si de rien n’était. Puis vient un jour… Mais parfois ce jour ne vient jamais et la tombe emporte le secret d’une vie qui ne savait pas qu’elle était ravagée.

Un jeune homme un jour vint me voir. Je peux en parler à mots couverts car il vit dans un pays lointain et un tout autre milieu. Ce jeune homme bien sous tous rapports n’arrivait à rien dans sa vie, malgré ses dons ; il était vaguement angoissé, mais ça n’allait pas si mal, à peine de quoi se plaindre. Son père était quelqu’un de connu et le jeune homme avait un jour mentionné comme en passant qu’à douze ans, en rentrant de l’école, il l’avait vu se pendre à travers la porte vitrée. La mère, absente, n’était rentrée que des heures plus tard. J’avais tenté de ponctuer cet épisode, mais en vain. Le jeune homme vint assez régulièrement à ses séances pendant plusieurs mois, mais pas de grande découverte, pas grand changement, je me demandais à quoi je servais et le laissai espacer les séances. Mais voilà qu’un week-end de mai, coup de téléphone. Il sanglote, il faut que je vous voie … J’ai le sentiment qu’on ne peut pas le laisser seul dans un pareil moment. Il arrive, toujours secoué de sanglots, la séance durera deux bonnes heures. Qu’est-il arrivé ? Son chien est mort. Cette fois, il évoquera de lui-même la mort de son père, survenue sensiblement à la même date. Mais il ne reviendra pas. Quelques mois plus tard, nous nous croisons par hasard et il me raconte qu’après la mort du chien, il s’est enfermé pendant plusieurs mois. Il a écrit, et cela a donné une oeuvre à succès distribuée dans plusieurs pays ; un nouvel amour est arrivé et cet homme qui avait l’air d’un exhibitionniste craintif paraît maintenant habiter ses chaussures.

Ainsi, je peux vous prédire que tout changement dans votre vie, en bon ou en mauvais, entraînera des répercussions psychiques ; mais qu’elles ne se manifesteront pas de la même manière, au point que certains peuvent les nier. La variabilité des réactions permet d’ignorer que ce qui s’est passé était une secousse, un ébranlement de fond survenant dans un équilibre difficilement acquis. Tout le monde sait cela, mais chacun peut l’oublier. A l’inverse des idéaux de la science, on peut toujours douter de ce qu’apporte la psychanalyse. Et même, on en doute toujours.

Fin du premier épisode.

 

Episode 2

(suite de Distinction 2, « il y a savoir et savoir »)

Face aux textes ou exposés psychanalytiques, deux réactions contradictoires se produisent successivement et je crois nécessairement. L’une est favorable et personnelle : oh, cela je le savais, mais ne savais pas le dire. Il s’en suit quelque chose comme une conversion : comme c’est intéressant ! « encore ! », je veux en savoir plus. Cet intérêt peut conduire à ce que Freud nomme l’intérêt pour la psychanalyse, qui ne va jamais sans réticences, ou parfois à entreprendre une analyse, particulièrement lorsque ce qui a été nommé éclaire une souffrance inconnue. Par exemple, une jeune fille vient dire qu’elle a toujours été angoissée, qu’elle ne supporte pas les autres et vit repliée sur elle-même, alors qu’elle voudrait tellement vivre une relation privilégiée avec un garçon. Rapidement sera évoquée la relation privilégiée qu’elle a cru avoir avec sa mère jusqu’à que celle-ci montre de l’intérêt pour … un puîné, le père, autre chose... La « relation privilégiée » est alors devenue un enfer et la déception se répète avec chaque rencontre, avec des accents de trahison. Pourquoi cette jeune fille est-elle venue à l’analyse, plutôt que de se faire prescrire un anxiolytique ? Parce qu’elle redoute l’addiction orale (le médicament = le poison) et parce qu’une personne qui comptait pour elle, et qui s’était montrée compréhensive, lui en a parlé.

Mais une autre réaction survient tôt ou tard : « ce n’est pas possible ! », je n’y crois pas. Elle peut se teinter d’indignation, aller jusqu’à la médisance comme dans le Livre noir ou chez le camarade Onfray ; ou au désir d’anéantir ce savoir avec ses porteurs, comme ces temps-ci à propos de l’autisme. Les points qui soulèvent protestation ne varient que peu : du temps de Freud, la sexualité infantile a fait scandale. Son existence est-elle mieux acceptée aujourd’hui, par exemple dans les crèches quand un enfant se touche ? L’importance attribuée à la sexualité paraît toujours exagérée, elle est toujours mal comprise, « ce sont des bêtises » ! La pulsion de mort, ou de destruction, épouvante à juste titre, alors que ses effets ne sont que trop criants et quotidiens. Last, not least, l’idée de mettre en paroles tout ce qui vous passe par la tête, c’est-à-dire de renoncer à la maîtrise de soi, inquiète ou répugne. Il y a un mouvement de recul devant l’idée même d’une vie psychique, plus encore d’en affronter les coins sombres.

Le pari contemporain (il n’est pas nouveau) de décrire toute la réalité sans avoir recours à l’hypothèse psychique n’a donc pas pour source unique la scientificité. Les réticences personnelles et sociales y jouent un rôle.

Un autre reproche fait à la psychanalyse est d’être inaccessible : trop compliquée, trop sophistiquée, on y perd ses repères. Quand on perd ses repères, on ne voit plus rien. Ce reproche est en partie mérité, non parce qu’il s’agit d’un savoir difficile, « compliqué » au sens où l’est la physique moderne, mais parce que la psychanalyse va contre les évidences communes, contre la pensée spontanée, contre les préjugés couramment admis – contre le discours officiel. Elle se rapproche cependant de la démarche scientifique, en ce qu’elle s’appuie sur une expérience qui met en évidence un ordre de faits « à peu près inaccessibles autrement » (Freud). Le savoir scientifique, lui aussi ne commence qu’en allant à l’encontre des idées reçues et des évidences sensibles : Descartes et le bâton qui paraît tordu lorsqu’on en plonge une partie dans l’eau, il découvre les lois de la réfraction. Le kilo de plumes et le kilo de plomb lancés de la Tour de Pise. Galilée. Newton, qui démontre que la lune tombe sur la terre alors que chacun voit bien qu’elle ne tombe pas !

En ce qui concerne l’ordre social, il est exact que la psychanalyse apporte des raisons de le contester, ou de le faire évoluer. On lui attribue souvent la libéralisation des mœurs, en particulier sur le plan de la sexualité et de l’individualisme. Elle y a évidemment contribué, mais ce ne sont pas les psychanalystes qui ont fait la Commune de Paris ! Il y a un mouvement de la civilisation dont nous ne savons pas grand chose ; nous pouvons seulement en constater certains effets, les déplorer ou s’en réjouir (droits de l’homme). La psychanalyse est prise dans ce mouvement d’évolution, elle en est un effet autant qu’un facteur. C’est dans le mouvement de rationalisation des connaissances qu’elle est née et a, sinon pris son vol, du moins commencé à marcher.

Le savoir scientifique, avec ses exigences d’universalité, de répétabilité et de vérification, élève dans un premier temps un mur contre tous les savoirs autres, qui ne satisfont pas à ses exigences. Mais en s’étendant, il découvre dans les savoirs traditionnels, longtemps jugés négligeables, beaucoup plus de réalités qu’on n’imaginait. On ne compte plus aujourd’hui les plantes utilisées en médecine traditionnelle, voire antique, qui s’avèrent contenir des molécules efficaces, précisément contre les maux pour lesquels elles étaient utilisées. Ainsi, le dernier numéro du magazine Pour la science mentionne qu’un nouveau médicament antipaludique a été mis au point grâce une substance tirée de l'Artemisia annua L., une plante utilisée en Chine depuis près de 2000 ans. Après quoi le grand appareil des laboratoires fabrique une pilule contenant ces mêmes molécules, ou leur reconstitution chimique, pour la vendre aussi cher que possible sans verser aucune royaltie aux peuples qui connaissaient et la plante et son usage.

Je ne dis pas cela pour critiquer, même si ça le mérite, je dis ça pour montrer comment va le monde : une civilisation donnée ne peut prendre en compte un élément d’une autre culture qu’en l’intégrant dans son propre système de pensée (et de valeurs). Une expérience personnelle à ce sujet m’a beaucoup appris : une amie japonaise en visite à Paris m’accompagne à une exposition sur les trésors du Japon. Elle m’explique un peu les personnages, guerriers et dragons, puis nous passons à la librairie et elle me propose de choisir une bande dessinée qu’elle veut offrir à mes enfants. J’en choisis une que je trouve particulièrement belle, je la lui montre, elle sourit et me dit : oui, c’est joli, c’est le seul livre dessiné par un français ! Exemple réciproque : des étudiants asiatiques s’extasient en France devant un château XVIIIe : « Que c’est beau ! ça ressemble à Disneyland ! »

 

Connaissances acquises par la psychanalyse et savoirs communs

Que la psychanalyse retrouve par ses propres moyens des connaissances qui étaient déjà présentes, mais non reconnues, non « validées », en voici maintenant quelques exemples.

 

Sagesse populaire

D’abord, les savoirs populaires. Lorsque Freud découvre l’existence de la sexualité infantile, il réalise que ce fait était bien connu dans les nurseries, mais qu’il n’en sortait pas. Les nourrices, les grand-mères, les femmes du peuple à qui l’on confiait le soin des tout-petits, savaient apaiser les petits garçons à leur manière … qui aurait horrifié les mères bourgeoises de l’époque. Aujourd’hui, le monde des petits reste une enclave, intégrée mais étanche. Avec l’âge dit « de raison », on passe à autre chose et l’on doit oublier les manières et les croyances de la nursery. Je vous affirme, non sans jubilation, que le père Noël n’existe pas, et que jamais au grand jamais je ne me suis touché le sexe volontairement, jamais au grand jamais je n’ai essayé de regarder dans les culottes de ma sœur … On dit ça au début, en début d’analyse, et parfois on s’y tient, on s’y cramponne. Mais comme le disait Charcot, que nous retrouverons, « ça n’empêche pas d’exister ». Cette remarque avait énormément frappé Freud.

Un autre lieu où Freud trouve confirmation de ses découvertes est ce qu’il appelle la sagesse populaire, qui existait avant lui ! Un savoir dont on méconnaissait et déniait l’universalité s’exprime dans des dictons, des expressions toutes faites. Exemple ? « le petit oiseau » (le zizi, en français) pour désigner le petit engin du petit garçon. Ce petit oiseau, il sera étonné de le retrouver dans les rêves sous la forme d’une action, celle de voler. Beaucoup de gens rêvent qu’ils volent ; les autres ont le vertige, ce qui est presque la même chose vue sous l’angle du négatif.

 

Les arts, la littérature

La littérature et plus généralement l’art est un lieu plus noble où s’expriment sous forme représentée (par des images construites ou des agencements de mots et de phrases) des vérités constantes des rapports humains et des pensées humaines : Sophocle, Shakespeare, Goethe, Balzac, Dostoïevski, Proust … Freud a maintes fois affirmé que les artistes précèdent de loin les psychanalystes et qu’en outre ils vont droit au vrai, alors que le malheureux scientifique édifie péniblement des usines à gaz pour des résultats partiels et incertains.

J’ai choisi de rappeler à votre souvenir La Princesse de Clèves, dont on dit que c’est le premier roman de notre histoire à faire de la psychologie des personnages le moteur même de l’action dramatique. En voici le début, pour évoquer la beauté envoûtante de la phrase et aussi pour d’autres raisons :

« La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec autant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. Ce prince était galant, bien fait et amoureux ; quoique sa passion pour Diane de Poitiers, Duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait plus de vingt ans, elle n’en était pas moins violente, et il n’en donnait pas des témoignages moins éclatants ».

La princesse de Clèves est l’histoire d’une Sainte-Nitouche très attachée à sa mère, d’autant plus ajouterais-je que le père était mort jeune. Cette femme, qui est une grande dame fort vertueuse, conduit sa fille à la Cour le moment venu et immédiatement un jeune homme de bonne famille se prend pour elle « d’une violente passion ». La jeune fille (on ne saura jamais son prénom) accepte d’épouser le Prince de Clèves comme sa mère l’y incite. Mais voilà que deux jours après le mariage, coup de foudre (réciproque) entre elle, la plus belle femme de la cour, et le plus bel homme, et le plus accompli. Vous voyez que c’est une histoire qui peut nous arriver à tous, princes et princesses que nous sommes de naissance, mais sans cesse surveillés par les parents et les voisins. Le qu’en-dira-t-on est toujours d’autant plus virulent que les communautés sont plus petites. La Cour, à l’époque, ce sont 500 personnes, 150 sont importantes, avec leurs domestiques qui parfois jouent un rôle.

Madame de Clèves est vertueuse, elle se veut irréprochable. Elle le sera d’autant plus que sa mère va mourir en lui recommandant d’être fidèle à son mari qui l’adore et souffre de ne pas se sentir aimé d’amour. Notre princesse souffre de toute son âme, tant d’avoir perdu sa protectrice à qui elle disait tout, il faut dire qu’elle a seize ans, qu’à cause de sa passion malvenue pour Monsieur de Nemours. Celui-ci a la réputation d’un homme à femmes et la rumeur s’interroge car aucune femme ne semble plus l’intéresser. Tentation supplémentaire pour notre Princesse, car elle sait, elle, mais il en faut si peu pour douter … Pour se protéger de la chute, elle a l’idée impayable d’avouer à son mari qu’elle en aime un autre, en prenant soin de lui préciser que jamais elle n’a fait paraître son inclination, pas même à l’intéressé, et que jamais elle n’y cédera. Le pauvre Clèves a du mal à la croire : il souffre doublement, « comme mari et comme amant » et finira par mourir de chagrin. Mme de Clèves est-elle libre ? Non. Elle va trouver un argument pour ne pas vivre sa passion : les passions n’ont qu’un temps et elle ne supporterait pas de perdre l’amour de Nemours. Elle lui avoue qu’elle l’aime, et finit seule sa courte vie, moitié dans sa compagne, moitié dans un couvent.

Aujourd’hui, nous nous sentons plutôt gênés par cette histoire de pimbêche névrosée, entêtée de vertu. Freud parlerait d’aversion (hystérique) pour la sexualité. Mais sous le vernis d’ironie et en arrière de l’agacement, nous retrouvons quelques vérités profondes : le caractère impitoyable du surmoi, la force des règles sociales et, au-delà des conventions, de la loi, de la parole donnée. Ainsi que la finesse psychologique qui permet de comprendre qu’un être puisse refuser de jouer le jeu de l’amour pour ne pas risquer de le perdre. De le perdre à nouveau, comme la petite a perdu son père ? L’histoire s’ouvre pourtant sur la passion du roi Henri II pour Diane de Poitiers, qui durait depuis 20 ans, elle avait donc près de 50 ans à l’époque. Il n’est pas précisé que la Dame de Beauté avait été auparavant la maîtresse du roi précédent, le père d’Henri II ! Mme de Clèves apparemment ne pense pas à se faire un modèle de l’exemple royal ! Les princes ne sont pas des rois et les générations ne sauraient se confondre.

Le prix que nous attachons à ces œuvres d’art ne vient pas seulement de leur beauté, mais aussi de leur vérité profonde, touchante, et touchant à l’universel de l’humain. La beauté fait passer la vérité. Pour le lecteur. Dans la culture. Pas dans la réalité sociale. Nous ne reconnaissons pas Madame Bovary dans la voisine qui trompe effrontément son mari, ni la Phèdre de Racine dans les mères abusives du quotidien des PMI et des CMPP ! Les oeuvres d’art dépeignent des situations qui nous choquent lorsque nous les rencontrons dans la vie courante, et nous ne faisons pas le rapport.

 

Les obligations symboliques

Dans un autre de ces savoirs plus ou moins dévalorisés par notre société se trouve un élément de connaissance surprenant parce que toujours négligé en parole et jamais en fait : tout ce qui est de l’ordre du rituel, des rites, qu’ils soient religieux ou sociaux. Chacun va répétant que chacun est libre de faire ce qu’il lui plait, mais combien respectent cette liberté au point de supporter que le voisin vous croise sans vous saluer ? D’une façon ou d’une autre, en plus ou en moins, vous êtes ulcéré. Rares sont ceux qui peuvent simplement se dire « Il avait la tête ailleurs ». Pourquoi cette importance accordée à des détails ?

Les rituels sont ce qui fait que vous êtes reconnu. Et si vous n’êtes pas reconnu, vous vous sentez nié. La reconnaissance de l’autre semble bien être d’une importance vitale. Lévi Strauss a raconté ce dont il a été témoin plusieurs fois : celui qui est exclu par sa tribu va jusqu’à se laisser mourir. Et que dire des chômeurs, des retraités, des SDF ? Leurs seuls besoins n’expliquent pas leur état. Les rituels sociaux sont d’une force incroyable, ils ont la force d’une évidence, et d’une loi absolue, inconditionnelle. Si vous ne saluez pas en arrivant, ça veut dire quelque chose : soit vous êtes maladivement timide, soit vous déclarez la guerre. Et le salut se rend. L’observance ou le non-respect des rituels n’ont pas seulement une signification, ils entraînent des actes en retour.

Cette reconnaissance particulière, qui n’a rien à voir avec l’amour, ni même avec la sympathie ou l’antipathie, crée à la fois du lien et de l’exclusion. Si vous n’allez pas à la messe le dimanche, si vous ne faites pas Shabat, vous n’êtes pas des nôtres. On vous ignore, on n’est tenu à aucune obligation envers vous ; pour un peu on vous demanderait de partir, ou l’on vous y forcerait. Mais si vous en êtes, des nôtres, des obligations s’ensuivront, réciproques et codifiées. Qui doit inviter, et quand ? quand et comment convient-il de rendre l’invitation … Une grande partie de notre vie (et de nos ressources) est consacrée à ces obligations symboliques.

 

La thérapeutique

Le rituel va encore plus loin  : il est, il peut être thérapeutique. Ou maléfique (magie). Les médecines traditionnelles sont toujours à la fois matérielles, morales et sociales. Elles comprennent l’administration d’un remède ou l’effectuation d’un geste (comme l’opération de ces shamans philippins, qui extraient prestement du ventre de l’« opéré » une plume qu’ils avaient cachée dans leur manche, et c’est quand même le premier pas vers la guérison). Mais le geste ne peut être opéré valablement que dans des conditions strictement ritualisées. Il doit impérativement être accompli par une personne déterminée, préposée à cette fonction, en présence ou en l’absence de certains membres de la tribu. Il ne peut s’effectuer qu’à un moment précis d’une séquence rituelle qui peut être longue, plusieurs jours, parfois plusieurs semaines de psalmodies, sacrifices, invocations aux Dieux, attente de leur réponse, souvent en fonction des astres… A Epidaure, qui était un des hauts lieux de la médecine grecque antique, avant de pouvoir consulter, le malade devait se soumettre à un grand nombre de pratiques, certaines pouvant passer pour hygiéniques (bains, ablutions, jeûnes, etc.), les autres plus nettement religieuses (sacrifices, purifications...) avant d'aller s'allonger dans l' "abaton" pour l'incubation, qui durait encore plusieurs jours avant que les prêtres médecins ne le voient pour la première fois. Il est vrai qu’on allait à Epidaure pour les cas désespérés. Des ex-votos retrouvés témoignent de quelques miracles : un homme ayant les doigts paralysés, sauf un, recouvra l'usage de ses doigts après avoir rêvé qu'il jouait aux osselets. Une femme borgne recouvra la vue après avoir accepté la demande formulée par le dieu de placer un cochon d'argent dans le temple. Un enfant muet retrouva la parole (il n’est pas dit de quoi il avait rêvé).

Par comparaison, chez nous où l’on semble penser que seul le remède ou le geste opératoire est efficace et que le reste ne compte pas, on s’aperçoit progressivement du contraire. Par exemple, dans l’évolution des mœurs médicales imposée depuis quelques années par les associations de patients : ils demandent qu’on soit aimable avec eux (à commencer par dire bonjour !), qu’on respecte et comprenne leur souffrance ; ils refusent d’être « traités comme des numéros ». Ils ne veulent pas attendre déshabillés dans une cabine et paraître ainsi sans transition devant plusieurs personnes qu’ils ne connaissent pas. Si seul le geste matériel était important, ils prendraient leur mal en patience. Parfois on « se fait une raison », mais d’avoir été ainsi traité reste un très mauvais souvenir, une humiliation qu’on n’ose pas évoquer. Tous les médecins savent que l’accueil fait au patient (et pas seulement à sa plainte) est déterminant pour la suite.

Du côté du patient, le recours au médecin comporte un aspect symbolique évident. Tel ne guérira pas s’il n’a pas « la piqûre », n’aura confiance que s’il y a « le scanner », ou l’opération, ou le Grand Professeur. Il y a une marge entre une réalité brute, avoir mal, et la série d’actes symboliques qui consistent à se reconnaître malade et a agir en conséquence, par exemple téléphoner au docteur. Il n’est pas rare que le seul geste symbolique, prendre rendez-vous, s’y rendre, suffise à subtiliser la « maladie » ou à la relativiser. C’est encore plus flagrant avec l’hôpital, ou le patient doit se faire péniblement à de nouvelles mœurs, acquérir de nouveaux repères sociaux. Certains préfèrent s’en tenir à leur maladie.

Je ne discute pas maintenant d’efficacité. J’essaie de montrer comment le rituel symbolique est une constante des occupations et préoccupations humaines, un « en plus » indispensable qui se re-constitue toujours et accompagne tous les aspects matériels de la vie. Les humains ne peuvent pas se passer de cette dimension du rituel, qui est à la fois sociale et personnelle. Quand leurs rites deviennent obsolètes, ils en font d’autres, et ceux qui disent « je ne suis pas formaliste » sont souvent les plus pointilleux.

Cette nécessité est à la fois subjective et collective, même si on peut observer ici et là des personnalités d’exceptions qui ne veulent rien savoir du communautaire ou d’autres qui veulent le changer ! La découverte de Freud a été de faire un pont, et même de démontrer une continuité entre ces bases symboliques du fonctionnement social, condition de la reconnaissance des uns par les autres et mode de délimitation du groupe, et le fonctionnement individuel, subjectif. L’inconscient, ce sont des désirs qui ne sont pas reconnus par le socius (j’en suis un), et ne peuvent pas l’être. Cette impossibilité de reconnaître les pulsions primitives met le sujet la tête à l’envers, car il ne peut pas non plus y renoncer. C’est pourquoi il use de techniques symboliques, afin de déplacer le problème. Il appartiendra à Lacan de boucler la boucle en disant que tout cela, rites, gestes, paroles, fantasmes, rêves, symptômes, formations de l’inconscient, tout cela c’est du langage, car le langage est le système symbolique complexe, et toujours plus complexe, qui spécifie l’humanité.

 

Les religions

Enfin, je voudrais attirer l’attention sur la profonde connaissance des êtres dont témoignent les religions. Leur existence et leur ubiquité montrent que l’homme a besoin de dieux, tant pour se sentir moins seul en proie aux forces incontrôlables que pour réguler sa vie. Des dieux dont l’inflexibilité est souvent appréciée, acceptée même s’il en faut d’autres pour l’imploration. Les prêtres qui confessent, les rabbins à qui l’on va soumettre ses questions brûlantes ont forcément une connaissance approfondie de l’humanité. La religion est aussi, avant la psychanalyse et plus que la philosophie, le seul lieu où l’on puisse parler des grandes questions, la vie, la mort, l’amour, le sexe, l’angoisse … Avant la psychanalyse, il n’y avait que la religion pour parler de ce qui transcende l’expérience et la vie courante.

En fréquentant tant soi peu les mystiques, on ne peut qu’être frappé par leur connaissance de ce qu’on appelle l’âme humaine, voyez par exemple la biographie de Ste Thérèse d’Avila, pourtant expurgée par les Docteurs de l’Eglise. Et je terminerai cette partie par une explication typiquement juive : La Kabbale révèle la nature de D… Mais comme D… est strictement inconnaissable, ce qu’elle étudie est la nature de l’homme !

Fin du 2E épisode