21 mars 2016

Conférence à l'Institut Universitaire Rachi de Troyes

 Le transfert à partir du "Cas Dora"

Nous allons réfléchir ce soir sur le concept de « transfert », pivot central de la théorie psychanalytique puisque tous les courants de la psychanalyse freudienne considèrent le transfert comme essentiel au processus psychanalytique, même si ce concept de transfert fait toujours débat et si les divergences sont nombreuses entre les différentes écoles, divergences qui portent surtout sur l’interprétation du transfert, le moment ou les moyens de sa dissolution.

Si nous nous interrogeons d’abord sur le champ sémantique du mot, nous constatons bien-sûr que le terme « transfert » n’est pas propre au vocabulaire psychanalytique.

Dans les nombreux domaines où il est utilisé, il désigne toujours un mouvement, un déplacement d’un lieu à un autre, une « délocalisation », sans que l’objet de cette opération n’en soit modifié.

Le terme allemand [Übertragung] comme le mot français utilisé pour le traduire, appartiennent à différents champs lexicaux : au langage juridique, par exemple (on parle de « transfert de propriété », c’est en allemand une « procuration ») ou de l’économie (transfert de capitaux, de compte), de l’informatique (transfert de données), de la médecine (transfert d’embryon, en allemand, il peut signifier une contamination ou une transmission héréditaire d’une maladie), de la sociologie (transfert de population). Le transfert peut avoir en allemand, le sens de « transcription », de « traduction » (on peut penser également, en français, au sens de « décalcomanie ») etc.

Ce terme a été utilisé dans le vocabulaire de la psychologie, dans les années 1870-1890, pour désigner le phénomène par lequel un état affectif éprouvé pour un objet est étendu à un objet différent, normalement en vertu d’une association.

Toute cette épaisseur sémantique se retrouvera dans la métaphore du transfert telle que la conçoit Freud.

On peut noter également que ce mot, comme beaucoup d’autres expressions issues de la psychanalyse, est entré dans le langage courant (on entend de plus en plus souvent, des expressions telles que « il ou elle a fait un transfert sur moi » ou «  j’ai fait un transfert sur lui ou sur elle ») mais il a alors un sens plus psychologisant et se confond là avec les concepts de projection ou d’identification.

Cet emploi montre en tout cas qu’il s’agit d’un phénomène humain qui déborde l’analyse. Du côté de la psychanalyse, chez certains auteurs, il a pris une extension telle qu’il semble désigner l’ensemble des phénomènes qui constituent la relation du patient au psychanalyste.

Or ce terme de « transfert », en tant que terme psychanalytique, a été introduit progressivement par Freud, développé, affiné, pour désigner plus précisément le processus par lequel les désirs inconscients de l’analysant s’actualisent sur la personne du psychanalyste, dans le cadre de la cure. Il s’agit là d’un processus inconscient, d’une répétition d’éléments infantiles, de fantasmes, d’affects, de type de relation d’objet etc. qui viennent se répéter, dans le cadre de la relation psychanalytique, sur la personne de l’analyste, et se trouvent alors réactualisés et vécus avec un sentiment d’actualité.

Terme donc bien modeste pour être porteur de sens aussi complexe, le « transfert » est avec Freud, devenu le maître mot de l’analyse, définissant la pratique analytique elle-même, « une analyse sans transfert est impossible » nous dit Freud dans son Autoprésentation (Sigmund Freud présenté par lui-même, 1925).

Mais cette innovation de Freud qui consiste donc à reconnaître dans ce phénomène une composante essentielle de la psychanalyse, ce par quoi même cette pratique se distingue des autres psychothérapies en ce qu’elle met en jeu le transfert comme instrument de guérison dans processus de la cure, a été le fruit d’une longue élaboration comme d’un constant étonnement de Freud devant la récurrence du phénomène.

Cette reconnaissance et l’élaboration de ce concept fondamental, inhérent à la psychanalyse, se sont faits pour Freud par étapes jusqu’à la fin de sa vie. Si j’ai choisi de faire référence, pour aborder le transfert, au « cas Dora », c’est parce que ce texte a une place tout à fait particulière dans l’œuvre de Freud et plus précisément dans l’élaboration du concept de transfert.

Le « cas Dora », rédigé entre le 10 et le 24 janvier 1901, publié quatre ans plus tard, en 1905, sous le titre « Fragment d’une analyse d’hystérie » [avec un ajout de notes en 1923], est la première grande cure psychanalytique menée par Freud (avant celle de « l’homme aux rats » [1907-1908] et celle de « l’homme aux loups » [1910-1914]). Elle se déroule entre l’écriture de L’Interprétation des rêves (1899, 1900) et celle des Trois Essais sur la théorie sexuelle (1905). A travers ce cas Freud souhaitait prouver ses hypothèses sur la névrose hystérique (l’étiologie sexuelle de l’hystérie, son origine dans le conflit psychique et l’hérédité syphilitique) et exposer les principes d’un traitement psychanalytique qui se démarquait alors de la catharsis, ne reposait plus sur l’hypnose et qui se fondait désormais sur l’interprétation des rêves et sur l’association libre : Freud avait initialement intitulé cet ouvrage Rêve et hystérie car, écrit-il, « il [lui] semblait particulièrement propre à montrer de quelle manière l’interprétation des rêves s’entrelace à l’histoire du traitement, et comment, grâce à elle, peuvent se combler les amnésies et s’élucider les symptômes » (Cinq psychanalyses, PUF, p.4). « Le rêve est l’un des détours servant à éluder le refoulement, un des moyens principaux de ce qu’on appelle la représentation indirecte dans le psychisme » (p.8).

Le concept prend donc toute sa signification dans l’abandon successif de l’hypnose, de la suggestion et de la catharsis et cette « transformation fondamentale » que subit la technique psychanalytique depuis les Etudes sur l’hystérie : « Le travail avait alors pour point de départ les symptômes et pour but de les résoudre les uns après les autres » (p.5), technique, écrit Freud, « mal appropriée à la structure si délicate de la névrose ». Il laisse donc à présent le patient associer librement, prenant pour point de départ de la séance « la surface que son inconscient offre à son attention ».

Mais la rédaction de ce cas est tout à fait singulière puisque Freud a eu en fait beaucoup de difficultés avec sa patiente Dora [Ida BAUER], difficultés qu’il n’a pas cachées, tout au long de sa cure qui dura 11 semaines, soit 70 heures d’analyse et puisque ce traitement a été interrompu de façon abrupte par la patiente elle-même.

Freud ne découvre pas l’idée de transfert lors de cette analyse.

Dans les Etudes sur l’hystérie (1895) Freud entrevoit le transfert comme un déplacement de l’investissement au niveau des représentations psychiques mais pas encore comme une composante de la relation thérapeutique.

Rétrospectivement, on peut bien sûr prendre la mesure des effets du transfert, par exemple dans le cas d’ANNA O. traitée par BREUER par la méthode cathartique ( selon le modèle de la catharsis grecque [= purification, effet de purgation des passions produit sur les spectateurs d’une représentation théâtrale], il y a une réaction de libération ou de liquidation d’affects longtemps refoulés dans le subconscient et responsables d’un traumatisme psychique ); même si le thérapeute ne pouvait pas les identifier et encore moins les utiliser.

En conclusion des Etudes sur l’hystérie, FREUD rendant compte des cas où telle patiente transfert sur la personnalité du médecin des représentations inconscientes, écrit :

«Le contenu du désir avait surgi dans le conscient de la malade, mais sans être accompagné du souvenir des circonstances accessoires capables de situer ce désir dans le passé. Le désir actuel se trouva rattaché, par une compulsion associative, à ma personne évidemment passée au premier plan des préoccupations de la malade. Dans cette mésalliance – à laquelle je donne le nom de faux rapport – l’affect qui entre en jeu est identique à celui qui avait jadis incité ma patiente à repousser un désir interdit. Depuis que je sais cela, je puis, chaque fois que ma personne se trouve ainsi impliquée, postuler l’existence d’un transfert et d’un faux rapport. Chose bizarre, les malades sont en pareil cas toujours dupes. »

Ainsi le transfert était ici pour FREUD un cas particulier de déplacement de l’affect d’une représentation à une autre. Si la représentation de l’analyste est choisie de façon privilégiée, c’est parce qu’il est une représentation à disposition du sujet (à la manière des restes diurnes du contenu des rêves) et parce que ce type de transfert favorise la résistance, l’aveu du désir refoulé étant rendu particulièrement difficile si cet aveu doit être fait à la personne qu’il vise. Il s’agit donc pour le thérapeute de faire prendre conscience au patient de ce déplacement comme l’anamnèse doit rendre compte des symptômes.

Dans l’Interprétation des rêves (1900) FREUD parle de « transfert » et de « pensée de transfert ». Il désigne par-là de la même façon un mode de déplacement où le désir inconscient s’exprime et se déguise à travers le matériel fourni par les restes préconscients de la veille. Ce n’est pas là un mécanisme différent de celui invoqué pour rendre compte de ce que FREUD a rencontré dans la cure : « La représentation inconsciente ne peut, en tant que telle, pénétrer dans le préconscient et elle ne peut agir dans ce domaine que si elle s’allie à quelque représentation sans importance qui s’y trouvait déjà, à laquelle elle transfert son intensité et qui lui sert de couverture. C’est là le phénomène du transfert qui explique tant de faits frappants de la vie psychique des névrosés ». (p. 478)

A l’occasion du cas DORA, FREUD fait l’expérience, à son corps défendant, du rôle joué par l’analyste dans le transfert. Il fait là sa véritable première expérience négative de la matérialité du transfert.

Cependant, bien que Freud attribue à un défaut d’interprétation du transfert, l’arrêt prématuré de cette cure [ « la partie la plus difficile du travail technique n’a pu être abordée chez cette malade (écrit Freud), le facteur du « transfert » n’ayant pas été effleuré durant ce court traitement », p.6], nous verrons que le concept ne trouve pas encore sa place définitive puisque nous ne pourrons pas conclure que Freud assimile à ce moment de ses découvertes, la relation de transfert et sa résolution à l’ensemble d’une cure psychanalytique dans sa structure et sa dynamique.

Qui est Dora ?

Dora, Ida Bauer (1882-1945), est l’héroïne malheureuse d’un drame bourgeois familial, tel qu’on pouvait en rencontrer dans les comédies de boulevard de la fin du XIXème/début XXème.

Elle est née à Vienne, dans une famille juive aisée, seconde de la fratrie, elle a un frère plus âgé d’un an et demi.

Son père, Philip Bauer, est un grand industriel, « d’une grande activité et d’un talent peu commun, jouissant d’une très belle situation matérielle » écrit Freud : « la personnalité dominante était le père, aussi bien par son intelligence et les qualités de son caractère que par les circonstances de sa vie qui avaient conditionné la trame de l’histoire infantile et pathologique de ma cliente ».

Ida lui porte une « tendresse particulière » dit-il, « accrue depuis l’âge de six ans, par les nombreuses et graves maladies du père » (p.10). A cette époque en effet, le père a contracté la tuberculose et la famille s’est installée pour une dizaine d’années à Merano, au Tyrol. C’est là que la famille fait la connaissance de Hans Zellenka (monsieur K.), un homme d’affaire moins fortuné, marié à une belle italienne Giuseppina (Madame K.) qui souffre de troubles hystériques et fréquente assidûment les sanatoriums. Celle-ci « soigne » Philip Bauer lorsqu’il souffre d’un décollement de la rétine en 1892 et Ida/Dora s’occupe des deux jeunes enfants du couple.

La mère d’Ida/Dora, est issue d’une famille juive originaire de Bohème. Elle est, nous dit Freud, «  peu instruite et surtout peu intelligente » (p.11). Elle souffre de douleurs abdominales permanentes dont héritera sa fille. Elle s’intéresse peu à ses enfants, concentrant tous ses intérêts sur le ménage et présentant  le tableau de ce que Freud appelle une « psychose ménagère » : « occupée tout le jour à nettoyer et à tenir en état l’appartement, les meubles et ustensiles du ménage, à tel point que l’usage et la jouissance en étaient devenus presque impossibles ».

« Les rapports entre la mère et la fille étaient depuis des années très peu affectueux » (p.12).

Le frère aîné, Otto, plus âgé d’un an et demi, quant à lui, fuit les querelles familiales et se range du côté de la mère lorsqu’il doit prendre parti, selon, dit Freud, « l’attraction sexuelle habituelle » qui rapproche le père de la fille d’une part, la mère du fils d’autre part.

Drame bourgeois donc : un homme marié, le père de Dora, trompe sa femme avec l’épouse d’un ami (Monsieur K.). L’époux trompé est jaloux, il tente d’abord de séduire la gouvernante des enfants puis tombe amoureux de la fille de son rival et lui fait une cour pressante. La jeune fille est choquée, elle le gifle, raconte tout à sa mère qui en parle au père. Celui-ci interroge le mari de sa maîtresse qui nie catégoriquement les faits. Soucieux de protéger sa liaison, le père fait passer sa fille pour une affabulatrice et l’envoie se faire remettre les idées en place chez un médecin en qui il a toute confiance puisque ce médecin l’a traité contre la syphilis quelques années plus tôt et qu’il lui a déjà adressé sa sœur.

En octobre 1901, Dora/Ida arrive donc chez Freud pour une cure analytique. Elle a 18 ans et elle souffre de troubles nerveux divers depuis de nombreuses années : dès l’âge de 8 ans, dit Freud, elle a souffert de dyspnée. Vers l’âge de 12 ans sont apparus des migraines et des accès de toux nerveuse et à 16 ans (âge auquel Freud l’avait vue une première fois) elle a été atteinte de toux et d’enrouement. Lorsqu’elle vient se faire soigner elle a des périodes récurrentes de toux et d’aphonie, elle est dépressive et montre des troubles du caractère, une « humeur insociable hystérique et dégoût probablement peu sincère de la vie », dit Freud qui diagnostique une « petite hystérie » : « avec symptômes somatiques et psychiques des plus banals » écrit Freud (p.14).

Dora vient de subir un vrai choc : elle a refusé les avances de monsieur K. et l’a giflé. Elle a alors été accusée par celui-ci et par son père d’avoir inventé la scène. Elle a été désavouée par madame K. qui l’accuse de lire des livres sur les pratiques sexuelles et on l’envoie chez Freud pour que celui-ci mette fin à ses fantasmes.

Dora parle sans réticences et révèle d’abord à Freud que Monsieur K. a tenté de la séduire une première fois, lorsqu’elle avait 14 ans, l’embrassant sur la bouche et se serrant contre elle, ce qui avait provoqué du dégoût. Premier traumatisme dont elle n’avait pas parlé jusque-là.

Freud n’entend pas du tout la demande de Dora, de prise en compte de la réalité des intentions de monsieur K., son besoin de rétablir la réalité des faits, d’être entendue et reconnue comme victime d’une tentative de séduction traumatique. Freud est convaincu de l’attirance amoureuse de Dora pour monsieur K., il s’acharne à en convaincre la jeune fille comme il essaie d’en convaincre ses lecteurs :

« Le comportement de l’enfant de 14 ans est déjà tout à fait hystérique. Je tiens sans hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût, que cette personne présente ou non des symptômes somatiques ». (p.18)

Pour ce qui est de la réaction de dégoût de Dora, il s’agit donc d’un mécanisme de défense, d’inversion de l’affect en son contraire, doublé d’un déplacement de la partie inférieure à la partie supérieure du corps :

« A la place de la sensation génitale, qui n’aurait certainement pas fait défaut dans ces conditions chez une jeune fille normale, il y a chez elle cette sensation de déplaisir liée à la partie muqueuse supérieure du canal digestif : le dégoût ».

Selon Freud, qui, dit-il, « appelle un chat un chat », le souvenir de l’étreinte avait laissé chez Dora l’ « hallucination sensorielle » d’une pression sur le thorax que Freud analyse comme le résultat d’un déplacement de la perception « choquante » ressentie par Dora et refoulée, du membre en érection de monsieur K., durant l’étreinte forcée. Un déplacement s’est opéré sur le thorax, concrétisé par un autre symptôme somatique : une légère aversion pour les aliments et le fait de manger difficilement.

Cette inversion de l’affect est corroborée chez Dora par «l’horreur des hommes en tête à tête tendre avec une femme », Dora évitant de passer près d’un homme qu’elle imagine en état d’excitation sexuelle.

Freud loue l’intelligente perspicacité de la jeune fille qui comprend fort bien la duplicité de son père et de madame K., leurs manigances pour poursuivre leurs relations, leur perversité à l’égard du rôle qu’elle devrait jouer dans le quatuor ou dans le meilleur des cas, leur aveuglement devant les tentatives de séduction réitérées monsieur K.

Mais Freud, là encore, ne montre que très peu d’empathie devant le désarroi de sa patiente et renvoie Dora à ses propres accusations :

« On s’aperçoit bientôt que de telles idées, inattaquables par l’analyse, ont été utilisées par le malade pour en masquer d’autres qui voudraient se soustraire à la critique et à la conscience. Une série de reproches contre d’autres personnes laisse supposer une série de reproches de même nature dirigés contre soi-même (remords). Il suffit de retourner chacun de ces reproches contre la personne même de celui qui les énonce. (…) Cette manière (…) a son modèle dans les répliques des enfants qui répondent sans hésitation : « menteur ! Tu en es un toi-même ! » quand on les accuse de mensonge.» (p.23).

« Les reproches de Dora à son père étaient nourris, « doublés », sans exception, d’auto reproches de même nature, comme nous allons le montrer en détail. » (p.24).

Dora a favorisé les relations amoureuses de son père avec madame K., en s’attachant aux enfants du couple K. Elle s’est brouillée avec sa gouvernante qui la soutenait et lui ouvrait les yeux sur la liaison de son père. Ses aphonies périodiques, perte de parole, sont rythmées par les absences de monsieur K., cette « complaisance somatique » signant l’hystérie, nous dit Freud.

Bref, « pendant toutes ces années, elle avait été amoureuse monsieur K. » (p.27).

Comme les symptômes ne cèdent pas, malgré ces interprétations, Freud se dit qu’ils ont à voir avec le père de Dora : Dora se conduit comme une femme jalouse vis-à-vis de son père. Elle se substitue à sa mère et tente de rivaliser, par ses symptômes, avec madame K. pour que son père s’intéresse à elle et se détourne de sa maîtresse : « elle était amoureuse de son père » (p.40) d’ailleurs « fier de son intelligence précoce, son père en avait fait, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, sa confidente. Ce n’était vraiment pas sa mère, mais elle-même, qui avait été dépossédée de plus d’une de ses fonctions, par la survenue de madame K. » (p.41).

A ce moment de l’analyse Dora rapporte un premier rêve, rêve à répétition :

« Il y a un incendie dans une maison, raconte Dora, mon père est debout devant mon lit et me réveille. Je m’habille vite. Maman veut encore sauver sa boite à bijoux, mais papa dit : « je ne veux pas que mes deux enfants et moi soyons carbonisés à cause de ta boite à bijoux. » Nous descendons en hâte, et aussitôt dehors, je me réveille ».

Elle ajoute le lendemain qu’elle perçoit le matin au réveil, une odeur de fumée ; sensation refoulée dans un premier temps, désir d’un baiser, le baiser d’un fumeur, « si je rassemble tous les signes qui rendent probable un transfert sur moi, étant donné que je suis aussi fumeur, écrit Freud, j’arrive à penser qu’un jour, pendant la séance, elle eut sans doute l’occasion de souhaiter de ma part un baiser ». (p.54)

Plongé dans la reconstruction des souvenirs de DORA, FREUD n’a pas conscience qu’il ne suffit pas de communiquer à DORA ces représentations reconstruites mais également les affects vécus dans la relation présente avec lui.
Suivent plusieurs « actes symptomatiques » ou mises en actes de fantasmes (un porte-monnaie utilisé dans une représentation symbolique de la masturbation p.56, une lettre que Dora lui cache p.57).

Ce premier rêve révèle selon Freud que Dora s’est adonnée à la masturbation, qu’elle est bien amoureuse de monsieur K. et qu’elle souhaiterait que son père la protège de la tentation. Mais cette attirance réveille le désir incestueux refoulé à l’égard du père (p.63).

Un deuxième rêve, permet à Freud d’aller plus loin dans l’investigation de la « géographie sexuelle » de Dora et notamment de confirmer sa connaissance parfaite de la sexualité adulte.

« Je me promène dans une ville que je ne connais pas, je vois des rues et des places qui me sont étrangères. J’entre ensuite dans une maison où j’habite, je vais dans ma chambre et j’y trouve une lettre de maman. Elle écrit que comme j’étais sortie à l’insu de mes parents, elle n’avait pas voulu m’informer que papa était tombé malade. « Maintenant il est mort, et si tu veux, tu peux venir ». Je vais donc à la gare et je demande peut-être cent fois où est la gare. On me répond invariablement : cinq minutes. Ensuite, je vois devant moi une épaisse forêt, dans laquelle je pénètre, et je questionne un homme que j’y rencontre. Il me dit : encore deux heures et demie. Il me propose de m’accompagner. Je refuse et m’en vais toute seule. Je vois la gare devant moi et je ne puis l’atteindre. Ceci est accompagné du sentiment d’angoisse que l’on a dans un rêve où l’on ne peut avancer. Ensuite, je suis à la maison, entre-temps j’ai dû aller en voiture, mais je n’en sais rien. J’entre dans la loge du concierge et je le questionne au sujet de notre appartement. La femme de chambre m’ouvre et répond : maman et les autres sont déjà au cimetière. » (p.70)

Elle ajoutera un peu plus tard un fragment oublié : « elle va tranquillement dans sa chambre et lit un gros livre qui se trouve sur son bureau ». (p.74)

Puis, dernier détail, « elle se voit d’une façon particulièrement distincte, montant l’escalier » (p.75).

Lors de ce 2ème rêve nous pouvons également noter divers éléments que l’on pourrait interpréter dans le sens du transfert (p.70 : l’homme que DORA rencontre et qui propose de l’accompagner. L’interrogation de DORA sur le désir. Les laps de temps significatifs etc.). Freud interprète ce second rêve dans le sens d’un désir de vengeance contre le père et de vengeance contre monsieur K.

FREUD est surpris de voir DORA interrompre son traitement après seulement 11 semaines, au moment où ses interprétations se densifient. FREUD met alors cette interruption abrupte sur le compte d’une manifestation supplémentaire du désir de vengeance de DORA : « c’était de la part de Dora un acte de vengeance indubitable que d’interrompre si brusquement le traitement, au moment même où les espérances que j’avais d’un heureux résultat de la cure étaient les plus grandes » (p.82). Les idées de vengeance de la jeune fille se réalisent donc dans son comportement à l’égard de Freud (p.83).

« Serais-je parvenu à retenir la jeune fille si j’avais moi-même joué vis-à-vis d’elle un rôle, si j’avais exagéré la valeur qu’avait pour moi sa présence et si je lui avais montré un intérêt plus grand, ce qui, malgré l’atténuation qu’y eût apportée ma qualité de médecin, eût un peu remplacé la tendresse tant désirée par elle ? je ne sais pas. Comme une partie des facteurs qui s’opposent à nous en tant que résistance nous restent dans tous les cas, inconnus, j’ai toujours évité de jouer des rôles et me suis contenté d’une part psychologique plus modeste. Malgré tout l’intérêt théorique, tout le désir qu’a le médecin d’être secourable, je me dis qu’il y a des limites à toute influence psychique et je respecte de plus la volonté et le point de vue du patient » (p.82).

Il entreprend de rédiger ce cas en deux semaines : il dit avoir eu pour but en publiant ces observations, d’une part de « compléter sa Science des rêves en montrant comment on peut utiliser cet art d’ordinaire inemployé, afin de dévoiler les parties cachées et refoulées de l’âme humaine » en déployant l’analyse des deux rêves de Dora. Il a d’autre part, dit-il, « tenu à montrer que la sexualité n’intervient pas d’une façon isolée, comme un deus ex machina, dans l’ensemble des phénomènes caractéristiques de l’hystérie, mais qu’elle est la force motrice de chacun des symptômes et de chacune des manifestations d’un symptôme (p.85) « la sexualité est la clef du problème des névroses » (p.86) écrit-il.

Mais il constate que Dora n’a pas été guérie de ses symptômes comme cela aurait dû être le cas. Il revient donc sur les éléments négligés dans cette cure et impute son échec à un défaut d’interprétation du transfert :

Il en parle ainsi : « Que sont ces transferts ? Ce sont de nouvelles éditions, des copies des tendances et des fantasmes qui doivent être éveillés et rendus conscients par les progrès de l’analyse, et dont le trait caractéristique est de remplacer une personne antérieurement connue par la personne du médecin. Autrement dit, un nombre considérable d’états psychiques antérieurs revivent, non pas comme états passés mais comme rapports actuels avec la personne du médecin. Il y a des transferts qui ne diffèrent en rien de leur modèle quant à leur contenu, à l’exception de la personne remplacée. Ce sont donc, en se servant de la même métaphore, de simples rééditions stéréotypées, des réimpressions. » (Pp 86-87).

Sur le plan clinique, on peut rétrospectivement constater que FREUD dans sa quête de reconstruction du développement psychosexuel de sa patiente, laisse complètement de côté le souci invoqué par DORA de la vérité historique des faits et son besoin qu’on la reconnaisse. FREUD bouscule la jeune fille, la pousse à se laisser séduire, on est là proches d’un traumatisme supplémentaire ! Signes de ces perturbations contre-transférentielles les erreurs de FREUD sur les dates et sur l’âge de DORA : il est mal à l’aise dans sa façon de la nommer : fillette, jeune femme, jeune fille,  enfant, patiente; sa toux remonte à l’âge de 8 ans puis à 12 ; il l’accuse d’avoir cherché à séduire M.K. « les 1ères années » de son séjour à B. or elle a commencé à y aller à l’âge de 6 ans (p. 10). Il interprète le silence de DORA comme un assentiment lorsqu’il lui dit qu’elle pouvait se laisser séduire puisque sa mère avait elle aussi perdu sa virginité à l’âge de 17 ans (or elle en avait 15 en réalité), (p.81).

Certains auteurs ont fait remarquer que le délai même de la rédaction du cas, 2 semaines, n’est pas sans rappeler le délai de préavis de la domestique qu’il prend à son compte lorsque Dora lui signifie son intention d’arrêter sa cure deux semaines plus tard…. Rédaction qui prend alors la forme d’un véritable acting-out lui permettant de se débarrasser du cas DORA et de DORA par la même occasion tout en reprenant le contrôle de ce qui lui échappe.

FREUD indique que le transfert découle nécessairement de la technique psychanalytique (P. 87) «  on ne peut l’éviter par aucun moyen » dit-il et « il faut combattre cette nouvelle création de la maladie comme toutes les précédentes » mais cette « partie du travail est la plus difficile » car «L’interprétation des rêves, l’extraction d’idées et de souvenirs inconscients des associations du malade ainsi que les autres procédés de traduction sont faciles à apprendre ; c’est le malade lui-même qui en donne toujours le texte. Mais  le transfert, par contre, doit être deviné sans le concours du malade d’après de légers signes et sans pêcher par arbitraire ». (p.87)

Commence à poindre l’idée d’une nouvelle maladie qui permettra d’individualiser peu à peu la névrose de transfert : Certes « (le transfert) est utilisé à la formation de tous les obstacles qui rendent inaccessibles le matériel » mais « La cure psychanalytique ne crée pas le transfert, elle ne fait que le démasquer comme les autres phénomènes psychiques cachés » (p.88) « Le transfert destiné à être le plus grand obstacle à la psychanalyse, devient son plus puissant auxiliaire, si l’on réussit à le deviner chaque fois et à en traduire le sens au malade » (P.88).

FREUD comprend la position paternelle que lui a assignée DORA p.88 : «Au début, il apparaissait clairement que je remplaçais, dans son imagination, son père, ce qui se conçoit aisément, vue la différence d’âge entre elle et moi » rationalise-t-il.
Il note qu’il n’a pas suffisamment éclairci le transfert de M.K. sur lui-même (p.89) et en conclut le désir de vengeance de DORA à son égard : « Lorsque survint le premier rêve, dans lequel elle me prévenait qu’elle voulait abandonner le traitement comme, autrefois, la maison de monsieur K. ; j’aurais dû me mettre sur mes gardes et lui dire : « Vous venez de faire un transfert de M.K. sur moi. Avez-vous remarqué quoi que ce soit vous faisant penser de ma part à de mauvaises intentions analogues à celles de M.K. de façon directes ou de façon sublimée, ou bien avez-vous été frappée par quelque chose en moi, ou encore avez-vous entendu dire de moi des choses qui forcent votre inclination comme jadis pour M.K. ? » Son attention se serait alors portée sur quelque détail de nos relations, de ma personne ou de ma situation, qui eût masqué une chose analogue, mais bien plus importante, concernant M.K. et par la solution de ce transfert, l’analyse aurait trouvé accès à du matériel nouveau, sans doute constitué de souvenirs réels. Mais je négligeais ce premier avertissement (…).

Ainsi je fus surpris par le transfert et c’est à cause de ce facteur inconnu par lequel je lui rappelais M.K., qu’elle se vengea de moi, comme elle voulait se venger de lui ; et elle m’abandonna comme elle se croyait trompée et abandonnée de lui. Ainsi elle mit en action une importante partie de ses souvenirs et de ses fantasmes, au lieu de la reproduire dans la cure." (p.89).

Il note plusieurs éléments de transfert dans le second rêve de Dora : les « deux heures » correspondant aux séances restantes ou son désir de rester seule par exemple.

Dans une note de 1923, plus de vingt ans après cette cure, Freud revient sur les désirs homosexuels inconscients de DORA, reconnaissant avoir mésestimé l’attachement homosexuel de DORA à Madame K. : « mon erreur technique consista dans l’omission suivante : j’omis de deviner à temps et de communiquer à la malade que son amour homosexuel pour madame K. était sa tendance psychique inconsciente la plus forte », et de ne pas avoir deviné plus tôt que les connaissances en matière de sexualité de Dora, lui venaient de madame K. La vengeance, dit-il, exprimée dans le second rêve, venait occulter « la générosité avec laquelle elle pardonnait la trahison de l’amie aimée et avec laquelle elle cachait à tout le monde que c’était cette amie elle-même qui lui avait fait connaître les choses employées plus tard à noircir Dora ». (p.90)

Il n’envisage cependant que la dimension hétérosexuelle du transfert et n’imagine que DORA ne peut voir en lui qu’un substitut de son père ou de M. K. A aucun moment il ne s’implique en tant que figure féminine du transfert, substitut de Madame K. ou encore moins de la mère de DORA qu’il méprise totalement. L’analyste en effet, quel que soit son sexe peut représenter un personnage masculin ou un personnage féminin, dans le transfert et passer d’une position à une autre au cours de l’analyse, ce qui peut sembler difficile à comprendre.

Freud reverra Dora/Ida une dernière fois, quinze mois plus tard. L’un des enfants du couple K. étant mort, Dora a profité d’une visite de condoléances pour faire avouer à madame K. sa liaison avec son père et à monsieur K. la scène de séduction, rapportant à son père « cette nouvelle qui la réhabilitait ». Son état qui s’était amélioré à la suite de ces événements, connut une rechute précédée d’une grande frayeur : rencontrant dans la rue monsieur K. ; celui-ci, troublé, avait été renversé par une voiture (suicide indirect ? se demande Freud) mais il était sorti indemne de l’accident. Dora venait voir Freud au prétexte d’une névralgie faciale qui la tourmentait depuis une quinzaine de jours. « Pseudo névralgie » puisque quinze jours avant, Dora avait appris une nouvelle concernant Freud lui-même, en « autopunition » dit Freud, en remords à la gifle donnée à monsieur K. et « en rapport avec le transfert sur (Freud) de sa vengeance ». « Je promis de lui pardonner de m’avoir privé de la satisfaction de la débarrasser plus radicalement de son mal ». (p.91)

Si pour FREUD, les éléments transférentiels ont joué un rôle décisif dans l’arrêt de ce traitement, le transfert n’est pas encore pour lui le moteur de la dynamique du processus analytique. Il n’assimile pas, à ce moment de sa théorie en construction, l’ensemble de la cure dans sa structure, à une relation de transfert et s’il reconnaît n’avoir pas su interpréter à temps ces éléments transférentiels, résistances de l’analysante à la cure, il méconnaît sa propre résistance dans son refus à être objet d’amour pour sa patiente et le fait que ce soit cette résistance même de l’analyste qui ait entraîné en retour le transfert négatif de DORA.

Freud, comme nous l’avons vu, se pose la question de la « valeur » de Dora, pour lui-même. Il est très intéressant qu’il se pose cette question pratiquement dans les mêmes termes que les deux hommes concernés par le « cas Dora », le père de la jeune-fille et monsieur K. qui tous deux, vis-à-vis de leur femmes respectives, utilisent la même phrase « elle n’est rien pour moi ».

Parti avec le « cas Dora » pour illustrer sa théorie et sa pratique de l’analyse des rêves, Freud trébuche non pas sur le transfert puisqu’il en parlait déjà depuis les textes sur l’hystérie, mais c’est sur la dimension centrale du transfert qu’il bute. Ce « ratage » est à souligner car il débouche sur une découverte essentielle, la position centrale du transfert.

C’est, comme nous le verrons plus loin, dans ce sens que Lacan proposera une relecture du « cas Dora », relisant Dora pour ne s’intéresser qu’au transfert, laissant de côté l’analyse des rêves, les motions pulsionnelles de Dora ou ses mécanismes de défense, retrouvant chez Freud le texte qui fonde le concept de transfert comme tel, le texte germinatif d’où émerge le concept de transfert.

Bref aperçu de la suite de l’élaboration du concept de transfert chez FREUD :

Des « transferts » (terme au pluriel), repérés à partir de 1895 comme obstacles et résistances, regroupant une pléthore de manifestations regroupées sous l’expression « phénomènes de transfert », le transfert se voit envisagé au singulier et reconnu comme agent thérapeutique. La coupure indéniable étant la mésaventure avec Dora dont Freud tire les conséquences en 1905.

Avant Dora Freud n’était pas sans savoir qu’il y avait quelque chose de l’ordre du transfert, après Dora, il sait qu’il y a le transfert.

Le transfert a été progressivement « isolé » au sens chimique, comme un corps pur de la psychanalyse.

Une fois reconnu, le transfert sera théorisé en une série de textes, en particulier :

-         Sur la dynamique du transfert en 1912

-         Remarques sur l’amour de transfert en 1915

Le transfert y est caractérisé à la fois comme « le levier le plus puissant de l’analyse et le moyen le plus fort de résistance », comme transfert « positif » et comme transfert « négatif », d’où la notion de « résistances de transfert ».

FREUD décrit deux versants du transfert : un transfert positif et un transfert négatif (La dynamique du transfert p. 57). Dans le transfert positif on distingue les sentiments tendres, capables de devenir conscients, et d’autres dont les prolongements se trouvent dans l’inconscient et qui ont un fondement érotique. Le transfert sur l’analyste ne joue le rôle de résistance que dans la mesure où il est un transfert négatif ou bien un transfert positif composé d’éléments érotiques refoulés.

La façon dont FREUD comprend dans ces années 1912-1914 le concept de transfert profite de l’intégration progressive du complexe d’Œdipe. La notion de transfert est comprise comme un processus structurant l’ensemble de la cure sur le prototype des conflits infantiles et cette évolution conduit FREUD au dégagement d’une entité nouvelle, en 1914 : la « névrose de transfert » décrite comme une maladie artificielle qui se déploie dans la situation analytique et se différencie ainsi des transferts que l’on rencontre dans les relations de la vie quotidienne [Cf. « Remémoration, répétition, perlaboration » in La technique psychanalytiqueP. 113]. La névrose de transfert est désignée par Freud comme « l’objet d’étude propre de la psychanalyse » (Vue d’ensemble des névroses de transfert in Métapsychologie 1915).

Ce qui est nocif dans le transfert, c’est qu’il vient prendre la place du « désir de guérison ». Le sujet se moque de guérir, tout entier pris dans une satisfaction fantasmatique. Il a mieux à faire que guérir : il aime. L’illusion d’être déjà guéri lui fait oublier de guérir.

1916 Le transfertin Introduction à la psychanalyse : FREUD synthétise les avancées sur le transfert. La psychanalyse génère le transfert. Celui-ci peut être positif ou amoureux, négatif ou hostile (notion d’ambivalence).   Il se manifeste dès le début du traitement et représente pendant quelques temps «  le ressort le plus solide du travail »   (p.420). Puis il se transforme en résistance, résistance qui signe son origine sexuelle et peut alors devenir hostile.

Le transfert sera surmonté « en montrant au malade que ses sentiments, au lieu d’être produits par la situation actuelle et de s’appliquer à la personne du médecin, ne font que reproduire une situation dans laquelle il s’est déjà trouvé auparavant. Nous le forçons ainsi à remonter de cette reproduction au souvenir » (p.421).

Freud compare le transfert à la production dans un arbre d’une couche intermédiaire entre le tronc et son écorce, le « cambium », formant de nouveaux tissus et augmentant l’épaisseur du tronc. Il a cette belle formule : « Le transfert crée un royaume intermédiaire entre la maladie et la vie «  (Remémoration, répétition et perlaboration p.135). On a alors affaire à une nouvelle névrose qui remplace la première : névrose artificielle ou névrose de transfert dont la résolution signera la fin du traitement.

FREUD précise que c’est dans les hystéries, les hystéries d’angoisse et les névroses obsessionnelles que le transfert présente cette importance extraordinaire, centrale au point de vue du traitement, tandis que les malades atteints de névrose narcissique ne possèdent pas la faculté du transfert du fait même de leur indifférence vis-à-vis du thérapeute et ne sont pas accessibles à la psychanalyse (notion qui sera contestée par les successeurs de FREUD).

Avec Au-delà du principe de plaisir(1920) in Essais de Psychanalyse, c’est la compulsion de répétition qui rend compte du transfert. Celui-ci se trouve alors englobé dans l’économie et la dynamique générale de la répétition. Il n’y a pas seulement de la répétition dans le transfert, il est l’un des effets d’une fonction générique de répétition.

En 1926 la « doctrine du transfert » est consacrée comme l’un des trois piliers sur lesquels repose la « doctrine analytique », à côté du  refoulement  et de « l’importance des pulsions sexuelles » (Nouvelles conférences de psychanalyse).

Jusqu’à la fin de sa vie et de son œuvre, FREUD remet au travail le concept de transfert, ainsi dans l’Abrégé de psychanalyse (1940) resté inachevé, FREUD y revient une fois de plus dans le chapitre consacré à la technique psychanalytique(p. 42 à 45).

Point de vue de Jacques LACAN:

FREUD a toujours maintenu comme idéal de la cure psychanalytique la remémoration complète et quand celle-ci s’avère impossible, c’est aux constructions qu’il se fie pour combler les lacunes du passé infantile. En revanche, il ne valorise jamais pour elle-même la relation transférentielle.

FREUD parle de « mise en acte » à propos des manifestations du transfert et oppose toujours à la remémoration la répétition comme expérience vécue, obstacle à cette remémoration.

Or lorsque FREUD parle de la répétition dans le transfert des expériences du passé, des attitudes envers les parents etc., cette répétition ne doit pas être prise en un sens réaliste qui limiterait l’actualisation à des relations effectivement vécues;  ce qui est essentiellement transféré, c’est la réalité psychique du sujet, son désir inconscient; les manifestations transférentielles quant à elles ne sont pas des répétitions à la lettre mais des équivalents symboliques.  On doit en effet mettre l’accent sur le fait que l’analyse et donc la relation transférentielle, soit une relation de langage, la parole y prenant une valeur particulière.

Pour LACAN la psychanalyse est une expérience ancrée dans le langage et lorsqu’il y a langage il y a transfert.

LACAN a abordé le transfert à partir de l’étude du cas DORA en 1951, dans son Intervention sur le transfert [in Ecrits (1966)] intervention publique lors du 14ème congrès de psychanalystes de langue romane à Paris. Il a ensuite repris le cas Dora dans plusieurs séminaires où il aborde la question de l’hystérie.

Dans une relecture structurale, LACAN définit la relation transférentielle dans le cas DORA, comme une suite de renversements dialectiques et il souligne que les moments « forts » du transfert s’inscrivent dans les moments « faibles » de l’analyste. A chaque renversement, l’analysant avance dans la découverte de la vérité.

Dans le cas DORA, 1er texte dit LACAN où FREUD reconnaît que le psychanalyste « a sa part » dans le transfert (p. 218), c’est le mouvement du texte plus encore que son contenu, qui retient l’attention de LACAN.

FREUD trébuche sur la découverte du transfert, sur sa dimension fondamentale. Il fait une série de développements qui sont scandés chacun par un renversement dialectique, chaque nouveau développement s’approchant de la vérité du désir inconscient de DORA mais qui du fait du mur du transfert demeure pour FREUD presque hors d’atteinte. Chacun de ces développements se trouve scandé, selon la lecture de LACAN, de ce qu’il appelle des renversements dialectiques c’est-à-dire puisque pour lui l’analyse est une expérience entre deux sujets, le sujet FREUD et le sujet DORA et que le patient est un sujet à entendre, un changement de la place d’où le sujet parle, moment fécond de l’analyse :

1er moment : Le père est un hypocrite, il cache la réalité de ses relations avec madame K. et laisse Dora aux prises avec les assiduités de monsieur K.

FREUD va-t-il se montrer aussi hypocrite que le père ? (p. 218)

1er renversement : de la part de Freud « regarde, lui dit-il, quelle est ta propre part au désordre dont tu te plains » Cf. DORA p. 24. Dora n’est pas seulement l’objet de la situation qu’elle dénonce, elle y tient une position de sujet.

2ème développement : Freud insiste sur la complicité active de DORA à la cour dont elle est l’objet (sa complicité a permis que les relations se poursuivent,   il y a eu circulation de cadeaux). Freud apporte un nouvel éclairage sur ses relations d’objets, au jeu des identifications de Dora à son père (identification dont Lacan se demande si elle n’est pas favorisée par l’impuissance supposée du père) et à sa jalousie vis-à-vis de son père. Que signifie la jalousie de DORA à l’endroit de la relation amoureuse de son père ?

2ème renversement : l’objet prétendu de la jalousie masque un intérêt pour la personne du sujet-rival (madame K.)

3ème développement : L’attachement fasciné de Dora (elle vante la blancheur et la beauté du corps de madame K., elle parle de leurs confidences réciproques) et le fait qu’elle n’en veuille pas à madame K. de sa trahison (c’est madame K. qui dénonce les lectures pernicieuses de Dora) interrogent Freud qui y voit un désir homosexuel refoulé pour Madame K.

Au moment du 3ème renversement dialectique qui aurait dû dévoiler à DORA ce que masquait cet amour pour Madame K., FREUD échoue à la fois du fait qu’il n’ait pas interprété à temps le transfert et son action dans l’analyse de DORA, mais peut-être parce qu’il ne se sentait pas à l’aise, dit-il, face au lien homosexuel qu’il avait mis en évidence entre DORA et Madame K.
FREUD, écrit LACAN, en raison de son contre-transfert revient trop constamment sur l’amour que Monsieur K. inspirerait à DORA et il est singulier de voir comment il interprète toujours dans le sens de l’aveu les réponses pourtant très variées que lui oppose DORA ( p. 224 ).

Selon Lacan madame K. incarne pour Dora, le mystère de la féminité corporelle, le mystère de sa propre féminité. Pour avoir accès à l’objet madame K. elle emprunte une identification imaginaire, une « image spéculaire » : monsieur K. (identification qui prend la suite de l’identification à son frère dans la petite enfance, image -spéculaire constituée dans l’enfance, issue du stade du miroir, image masculine aliénante, servant de « moi idéal »).

Les interprétations normatives de Freud concernant son désir pour monsieur K. ne peuvent donc trouver aucun écho chez Dora. Freud désigne à l’hystérique son désir à partir de ses propres convictions à lui. C’est, remarque LACAN, « pour s’être un peu trop mis à la place de Monsieur K. » que FREUD n’a pas réussi à émouvoir sa patiente, par son désir d’être à la place de monsieur K. pour Dora et son désir de voir triompher l’amour de monsieur K. pour Dora.

Encore faudrait-il que Dora puisse s’envisager comme objet de désir pour un homme, accepter d’occuper cette place d’objet de désir. Madame K. semble détenir ce secret, de là vient la fascination qu’elle exerce sur Dora (elle est la madone de la chapelle Sixtine devant laquelle Dora se fige). Ce sont les mots prononcés par monsieur K. « ma femme n’est rien pour moi » qui font basculer Dora vers la maladie, c’est sa place dans l’amour de son père qui bascule alors de façon catastrophique.

Les questions du désir, des identifications d’une femme, de sa féminité vont devenir pour Lacan indissociables de la clinique de l’hystérie et du cas Dora. C’est cette clinique de l’hystérie qui guidera les différentes reprises du cas Dora au fil des séminaires. Il reprendra le cas Dora durant plus de vingt ans au fil de ses différents séminaires, ainsi :

-         Séminaire sur les Psychoses (livre III) 1955-1956 [Avec pour Dora la question est « qu’est-ce qu’être une femme ? »]

-         Séminaire sur la relation d’objet (livre IV) 1956-1957 

-         Séminaire V sur les formations de l’inconscient 1957-1958 [Où Lacan introduit le concept de désir en tant que « désir de l’autre »]

-         Séminaire sur le transfert 1960-1961 

-         Séminaire XVII : L’envers de la psychanalyse 1969-1970 :

Lacan analyse les deux rêves de Dora. Le second pointe que le substitut au père mort est le dictionnaire. Au-delà de la mort du père symbolique il produit un savoir.

Le discours de l’hystérique est pour Lacan l’un des quatre discours avec celui de l’universitaire, celui du maître et celui de l’analyste.

Qu’est-ce-que le transfert ? Demande LACAN.

p. 595 des Écrits « il n’y a d’autre résistance à l’analyse que de l’analyste lui-même ».

La psychanalyse se déroule toute entière dans un rapport de sujet à sujet.
Dans une psychanalyse le sujet se constitue par un discours où la seule présence du psychanalyste apporte la dimension du dialogue (p. 216).

Dans son séminaire de l’année 1960-61 (Séminaire livre VIII) consacré au Transfert, LACAN introduit le désir du psychanalyste pour éclairer l’amour de transfert.

Pour sa démonstration il prend appui sur le Banquet de PLATON. L’originalité de LACAN consiste à mettre Socrate à la place de celui qui interprète les désirs de ses condisciples. Devenu psychanalyste, Socrate peut signifier à Alcibiade que le véritable objet de son désir, ce n’est pas lui, Socrate, mais Agathon.
Le transfert est artifice, un leurre, puisqu’il se porte inconsciemment sur un objet qui en reflète un autre.

Dans le Séminairede 1961-62 consacré à l’identification, le transfert y apparaît toujours comme la manifestation d’une opération qui relève de la tromperie et qui consiste pour l’analysant à installer l’analyste en position de « sujet- supposé-savoir » (lui attribuant un savoir absolu). LACAN dit que le transfert n’est autre que de « l’amour adressé à du savoir ».
A quoi s’adresse l’amour de transfert (l’amour comme destin de la pulsion, moment où la pulsion subjective) ?, au savoir répond LACAN.
Je postule qu’il y a quelque chose à savoir, c’est le postulat de l’analyse. Le sujet-supposé-savoir n’est pas l’analyste (ce qui serait une posture toute-puissante, une posture de maître) c’est l’un et l’autre : l’analyste qui vient avec un savoir analytique ne cesse de dire au patient « c’est vous qui savez ».

Enfin dans le Séminaire de l’année 1964, LACAN fait du transfert l’un des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, à côté de l’inconscient, de la répétition et de la pulsion. Il le définit comme la mise en acte, par l’expérience analytique, de la réalité de l’inconscient (la réalité sexuelle).

L’effet de transfert, amour repérable dans le champ du narcissisme (« aimer c’est essentiellement vouloir être aimé ») intervient dans sa fonction de tromperie (p.282 -283).

LACAN inscrit le transfert dans une relation entre le moi du patient et la position du grand Autre (le lieu symbolique, le signifiant, la loi, le langage, l’inconscient qui détermine le sujet ici dans sa relation au désir). L’Autre ou autre scène, ou inconscient (dont LACAN dit qu’il est « structuré comme un langage ») est compris comme un lieu de déploiement de la parole où « le désir de l’homme est le désir de l’Autre »; autrement dit, c’est lorsque le sujet se demande « que veut l’Autre ? », qu’il interroge sa propre identité sexuelle en particulier.

La posture de l’analyste ne s’inscrit pas dans une relation duelle, « l’analyste, dit LACAN, doit être au lieu même de l’Autre » (position du symbolique), ce n’est pas un miroir, c’est selon l’expression de Paul-Laurent ASSOUN, un « brise-imaginaire ».

Où est le sujet quand il parle ? Comme sujet, nous naviguons du lieu d’émission de notre parole au lieu d’audition de cette parole (l’enfant qui crie, entend son cri qui lui revient du dehors, étranger et extérieur et chargé de cette réalité extérieure (interprétation de la mère / demande de l’autre) et très vite l‘enfant crie parce qu’il crie (trace mnésique d’autre chose).
Le sujet est divisé entre un dedans et un dehors; c’est dans ce cadre que vient se situer le rapport à l’alter ego du transfert

LACAN pense que la notion de contre-transfert est fausse : c’est un transfert à deux (« le transfert est un phénomène où sont inclus ensemble le sujet et le psychanalyste » écrit-il dans le Séminaire livre I).

De là les deux conséquences fondamentales :
– Il y a quelque chose dans l’analyse qu’on peut appeler le désir de l’analyste. L’analyste ne doit pas se dérober à la part qui lui revient dans la production de la vérité.  C’est le désir de l’analyste qui opère dans l’analyse; ce n’est plus là l’idée de « neutralité bienveillante » : il faut que l’analyste soit présent dans son désir et il faut qu’il le signifie, qu’il signifie que ça lui importe (différent de la séduction, séduction = effet imaginaire).
L’analyste doit être tout entier présent dans son acte.

– Comme nous l’avons vu dans la lecture de LACAN du Banquet de PLATON, l’attitude de l’analyste doit être de guider le désir du sujet non pas vers lui mais vers un autre (= position de Socrate), ce qui constitue une position paradoxale, sacrificielle.

Par l’analyse, le sujet doit pouvoir réinvestir son désir sur l’objet, identifier son désir.
La position de « faire semblant » que constitue le transfert, n’est pas un mensonge, c’est un simulacre.

La fin de l’analyse, c’est quand ce semblant tombe. Il y a alors désidéalisation de l’analyste (LACAN situe l’idéalisation de l’analyste du côté de l’idéal du moi, du côté du symbolique). Le sujet se confronte au réel de l’objet de son désir, ce que LACAN nomme « savoir y faire avec son symptôme » et c’est là ce qui constitue sa vraie liberté.

En conclusion,

J’espère vous avoir montré la complexité du concept de transfert.

S’il faut en retenir quelque chose, c’est que cela se présente toujours de la même façon : on a affaire à deux personnes engagées dans cette relation que l’on appelle « analyse » dont l’aventure complexe est d’amener la mise à jour de la cause de l’impasse subjective : le refoulé.

Exprimer le plus intime de soi dans l’enclos d’un espace de parole exclusif pose la base du transfert.

Le transfert vient signifier l’irruption d’un réel inédit au sein de cette relation (un « phénomène inattendu » dit Freud), il surgit « par surprise » tant pour l’analyste que pour le patient.

Le transfert est un travail d’actualisation d’une situation historique sur la situation actuelle, nous dit Freud. Il conduit l’analysant à se comporter en fonction de situations passées et des états psychiques qui accompagnaient ces situations, des motions pulsionnelles qui y étaient engagées, des affects qui s’y manifestaient ou qui échouaient à y prendre place.

L’analysant est sous leur influence directe au lieu de symboliser.

Le transfert, au sens psychanalytique, désigne la façon dont le processus transférentiel rencontre la situation de l’analyse et produit des effets sur cette situation particulière, cette rencontre analytique dont le medium est le langage.

Ce qui s’actualise dans une séance d’analyse ne peut être entendu indépendamment de la dimension transférentielle qui l’habite, entendu comme « disant » toujours autre chose que ce qu’il manifeste. Il dit « plus » puisqu’il dit ce que l’analysant tend à transférer, il dit « moins » puisqu’il ne dit pas tout ce qui pourrait se dire.

La parole, dans son enjeu inconscient, est habitée pas ses potentialités symbolisantes, elle ouvre donc sur le fait qu’une chose n’est jamais identique à elle-même, de plus ce qui est dit tente d’approcher ce qui est inconscient et non dicible. Le transfert s’inscrit donc dans un travail de symbolisation.

L’analyste est l’interprète du transfert au sens linguistique de qui livre oralement l’équivalent d’une autre langue, sur le vif de la parole, en synchronie peut-on dire.

« Vieille règle de grammaire : ce qu’on ne peut décliner doit être considéré comme un transfert » écrit Freud dans une lettre du 15 mars 1923, à Lou Andréas-Salomé qui lui demandait conseil à propos d’un symptôme persistant chez un patient.

Freud suggère qu’il faut « marquer le coup » pour signifier au patient que l’analyste n’est pas dupe qu’il est le destinataire de ses manifestations.

Le transfert est à la limite de l’interprétation, c’est ce bord qu’il s’agit de désigner. Il se manifeste comme point de butée de l’acte interprétatif. Ce n’est donc pas un hasard si tout a commencé par une erreur associée à Dora.

L’expérience du transfert, profondément régressive pour l’analysant, comme nous l’avons vu, demande à l’analyste une participation tout aussi régressive, inconsciente également, à cette activité quasi hallucinatoire que déploie le patient dans le temps de la séance. L’analyste doit consentir à incarner ces imagos primitives (Freud emploie le terme de « réincarnation »), le temps que se perlaborent, dans le discours associatif du patient, toute leur violence représentative, leur sauvagerie pulsionnelle et donc de subir partiellement une dépersonnalisation pouvant remettre en jeu ses propres fragilités.

Le transfert fait de l’analyste un acteur sur la scène imaginaire du patient, au sens le plus sensible du terme : « le vrai théâtre parce qu’il bouge et parce qu’il se sert d’instruments vivants, continue à agiter des ombres où n’a cessé de trébucher la vie » écrivait Antonin Artaud dans Le théâtre et son double (Idées. Gallimard 1981, pp16-17).

Pour l’analyste, c’est cette expérience que l’on nomme contre-transfert, qui peut l’informer en retour, tout autant que le discours du patient, sur ce qui se répète, se revit, des situations de l’enfance dans le hic et nunc de la séance.

L’analyste doit selon l’expression de Freud, rester un « homme libre » pour reconnaître le contre-transfert et le surmonter (ne renonçant pas à l’affect, dit-il, mais en ne le livrant pas avec trop de générosité) donc en termes lacaniens, signifier son désir sans imposer sa jouissance.

Il lui faut pour cela « beaucoup d’adresse, de patience et d’abnégation (« autonégation » dans les nouvelles traductions) » écrit Freud dans La question de l’analyse profane (Folio Essais p.102).

De cette double expérience le sujet sortira profondément changé.

Le retour à cette question du transfert est tout à fait actuel puisque nous assistons au retour en force des thérapies (retour actuel de l’hypnose) qui non seulement dénient le rapport au sujet à son désir dont témoigne le symptôme (pour introduire la prochaine conférence…) mais aussi font l’économie du transfert par l’utilisation de la suggestion. Alors que ce mot comme je le soulignais en préambule, s’installe dans le langage commun ce qui s’accompagne souvent d’une perte de sens, l’idéologie de la « communication » dénie systématiquement la part du transfert et lorsque disparaît la prise en compte du transfert, ne reste que la suggestion.