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22 janvier 2018

Conférence à l'Institut Universitaire Rachi de Troyes

Le burn-out : les manifestations psychosomatiques comme expression d’un «  malaise dans la culture ». Qu’en entend le psychanalyste ?

Les termes burn-out et psychosomatique ne sont pas réservés au vocabulaire analytique et à son champ de connaissance.

De même le champ clinique du travail professionnel est assez rarement pensé dans son intégration au corpus théorique et pratique de la psychanalyse.

Dans le vocabulaire freudien il est question du travail de la pensée, du rêve, du deuil, de la culture mais la capacité même à travailler mérite un temps d’arrêt.

Par ailleurs, la pensée analytique doit pouvoir s’éloigner de son champ naturel d’expression héritée de Freud et s’aventurer ailleurs dès lors que de nouvelles expressions de souffrance la confrontent à des questions non référées en premier lieu aux théories des névroses infantiles.

Cela sans pour autant se mettre en déviance par rapport à ce qui la distingue, notamment par la capacité de l’analyste à se questionner sur ce qui singularise sa pratique, son statut d’analyste dépendant en dernier lieu de ses propres résistances, obstacle principal à sa praxis.

Aller travailler, c’est engager son corps, sa vie pulsionnelle, sa relation à autrui, c’est un processus subjectif engageant les forces conscientes et inconscientes. Expérience subjective ou subjectivante, peut-on l’espérer, qui peut subir des transformations expansives ou régressives dans le lien de l’individu à sa propre intériorité et ses relations avec le groupe.

Il ne faut rien perdre de cette multiplicité individu-groupe, même si la multiplicité est toujours une complication pour la pensée.

Je suis partie d’un constat clinique : une demande nouvelle ces dernières années face à une souffrance nouvelle : l’apparition de symptômes psychosomatiques souvent en premier temps d’un burn-out suivis par des formes dépressives très annihilantes qui correspondent au moment de la demande, souvent initiée par le médecin . Ces personnes ont par ailleurs une vie affective plutôt satisfaisante dans leurs investissements amoureux et parentaux ; leur vie sexuelle peut être considérée par eux comme peu importante mais il n’y a pas de symptômes névrotiques caractérisés.

Par ailleurs, ces personnes travaillaient jusque là et depuis longtemps avec satisfaction, et dans des postes non spécifiques, c’est-à-dire à plus ou moins grande responsabilité. Ils aimaient leur travail mais sans excès.

Différemment de ceux que l’on désigne comme hyperactifs, addicted, mus par la nécessité de détourner ou décharger certaines exigences pulsionnelles trop pressantes ; ceux que Ferenczi a appelés « les travailleurs du dimanche », les galériens volontaires dont parle Gérard Sweig, ceux qui cherchent l’apaisement par l’épuisement, qui usent du travail physique ou intellectuel en excès comme procédé auto-calmant selon la terminologie de l’Ecole de psychosomatique de Paris fondée par Pierre Marty, Michel De M’Uzan dont je parlerai plus loin et quelques autres.

Dans son texte «  Malaise dans la culture » traduit aussi par « Malaise dans la civilisation », la Kultur de Freud procède de ces deux signifiants, culture et civilisation.

Elle participe de la civilisation en tant qu’évolution de l’histoire humaine et de ses étapes, et de la culture en tant que «  somme totale des réalisations et organisations dont l’institution nous éloigne de nos ancêtres animaux, et qui servent à deux fins : la protection de l’homme contre la nature et la réglementation des hommes entre eux ».

On y entend le passage de l’instinctuel au pulsionnel, et un pulsionnel sexuel et agressif capable de renoncer partiellement à ses satisfactions au nom d’un idéal culturel.

Dans ce texte, Freud fait aussi référence au travail comme  grande valeur au point de vue de l’économie de la libido. Il explique que les composantes narcissiques, agressives voire érotiques de la libido sont transférées dans le travail professionnel et les relations sociales qu’il implique, ce qui permet d’une part de les lier à une fraction de réalité, au lieu de les laisser s’exprimer sans bride et aussi de donner à l’individu une valeur à son existence au sein de la société. La frustration à devoir maitriser l’activité de la vie pulsionnelle et ses satisfactions et à y renoncer en partie est compensée par le gain pour l’appareil psychique à utiliser des formes de plaisir dérivé, sublimé, soumises au principe de réalité. Ces satisfactions dérivées de la sublimation des besoins pulsionnels narcissiques, agressifs assouplissent l’appareil psychique et affaiblissent leur intensité. Et par là elles ne bouleversent pas notre organisme physique. Mais ajoute t-il, la grande majorité des hommes ne travaillent que sous la contrainte de la nécessité, et de cette aversion naturelle pour le travail naissent dit-il, les problèmes sociaux les plus ardus.

Certaines analyses des changements socio -culturels des dernières décennies ont fait émerger quelques débats entre philosophes, sociologues, psychanalystes .

 Nous sommes des individus qui ne savons plus comment faire avec la société. Le progrès et les luttes sociaux ont promis l’autonomie qui a peu à peu récusé la nécessité d’ en passer par le social hétéronome, pourtant primordial, le premier modèle hétéronome étant celui de 2 parents avec lesquels l’enfant doit faire. L’autorité du père peut être contestée mais non récusée pour s’individuer par rapport à la mère. L’autonomie passe donc par l’autre, l’hétéronome.

C’est le principe paternel qui organise un ordre social, groupal et langagier.

Ce progrès sociétal annoncé comme progrès de démocratie a mené à une liberté individuelle qui ne tient plus compte de l’autorité du collectif qui vient limiter cette liberté. Ce démocratisme rejoint le capitalisme contre lequel il se défendait. C’est tout le vivre ensemble qui s’en trouve affecté. Je pense à l’apparition de burn-out lors de changements de direction avec de nouveaux chefs qui n’intègrent pas l’histoire du collectif dans son hétéronomie, histoire qui contient les identifications à ses anciens chefs, figures de pères qui ont pu être des supports à l’idéal du moi ; cela induit qu’ils ne rencontrent pas ces autres du collectif dans leur réalité, leur identité subjective ; nouveaux chefs prenant le pouvoir ex nihilo en refusant de s’inscrire dans cette filiation.

Nous connaissons bien d’autre part cette réalité d’être passés d’une logique du « il faut que ça tourne » à celle du « il faut que ça rapporte ».Seul le résultat compte et l’humain disparait du lien entre production et produit, puisque le travail humain suppose une perte, des ratages inhérents à la réalité humaine, par nature non quantifiable.

On sait que le travail n’est pas réductible à l’exécution de consignes dont on pourrait évaluer la performance puisqu’il y a toujours des imprévus, des pannes qui conduisent le travailleur à s’écarter des prescriptions et à trouver des ruses, des trucs absolument pas prescriptibles puisque ces compétences inventées in situ découlent justement de ce qui n’était pas prévu. Le sujet en travaillant, opère des transformations du monde en produisant des biens et des services mais il se transforme lui-même par l’exemple de la rencontre avec le réel, c’est-à-dire l’inattendu, pour peu qu’on lui laisse trouver naturellement ses savoir-faire, comme par exemple ce qu’on appelle les « savoir-faire de prudence » rencontrés chez les tailleurs de pierre qui acquièrent une connaissance subjective de la matière grâce au développement de la sensibilité au contact répété de la pierre. Ces savoir-faire se trouvent dans le meilleur compromis entre l’économie psychosomatique et les contraintes matérielles et sociales.

Bien sûr le « il faut que ça tourne » ne rendait pas forcement les gens heureux. Dès 1967, certains militants intellectuels se sont embauchés, établi dans les usines ou sur les docks. D’où leur nom d’établis jouant avec la polysémie du mot désignant aussi la table de travail bricolée par l’ouvrier, j’y reviendrai. Robert Linhardt qui était philosophe raconte son expérience dans son livre « l’Etabli » paru en 1978. Il y parle de surveillance, de répression, de peur, d’épuisement, de la mécanisation de l’humain. Mais il y a aussi l’entraide, la résistance, la grève. Lire p. 69. Voir le cas des trois Yougoslaves.

L’écrivain Leslie Kaplan elle-même ancienne établie a écrit ce livre très fort : « L’Excès-l’usine » paru en 1982. On sort un peu hébété de ce livre mais l’on ressent que cette vie d’usine indicible réussit à fabriquer du lien social a minima. Ces deux livres laissent entendre les rapports que les humains entretiennent entre eux à travers les objets de production.

La dénomination du syndrome de burn-out est apparue dans les années 70 et concernait les personnes qui avaient mis en échec le personnel médical dans toutes ses tentatives de soin, le meilleur exemple en étant le toxicomane dont la situation n’était plus récupérable. C’était foutu, grillé, burned-out. Par extension ce terme s’est appliqué aux soignants eux-mêmes pour exprimer leur épuisement au regard de leur vocation, de leur engagement. Puis il s’est étendu à toutes les activités impliquant des relations de service, service commercial, service des magistrats aux justiciables, puis s’est généralisé à toute forme d’épuisement.

Il est nécessaire de différencier le burn-out de l’épuisement physique lié à un phénomène plus ancien dès le capitalisme du 19 ième.

Le terme de surmenage convient mieux au burn-out pour traduire un épuisement à la fois physique et psychique . Ce qui devient pathologique c’est l’omniprésence du travail dans les pensées .

Christophe Dejours, psychanalyste, définit ce surmenage comme l’association d’une surcharge de travail, un sentiment d’échec et un sentiment d’inutilité de l’effort, créant une perte de sens et une démobilisation.

Marie Pezé, autre psychanalyste, décrit les stades du burn-out

Dans tout ce qu’elle décrit de la perte de sens du travail, de l’organisation gestionnaire loin du terrain, de la mise en concurrence des salariés, des objectifs inatteignables, et j’ajouterai de la façon dont chacun est individuellement rendu responsable de la survie de l’entreprise et donc de la pérennité de son poste, le rétablissement de la coopération est la seule solution. La peur est induite comme stimulant dans un contexte idéologique de guerre économique comme si l’on n’avait pas d’autre choix que d’être des soldats.

Chacun, dit-elle est responsable de ses petites cécités face à la moralisation qui a remplacé l’éthique par le bien et le mal qui autorise la peur. Il s’agit par exemple de ne pas se taire si un collègue se fait humilier toutes portes ouvertes. Nous sommes dit-elle, tous comptables et redevables à la collectivité de ce que nous laissons faire et chacun est un des rouages de transmission de l’idéologie de la peur. Je pense à telle DRH s’interrogeant sur son droit à aller aux obsèques d’un salarié.

Les formes de souffrance au travail sont multiples.

Je vais en priorité parler des effets intrapsychiques disruptifs liés aux échecs du travail à produire ses effets civilisateurs de solidarité, à travers les expressions psychosomatiques du burn-out, quelque soit le contexte professionnel, dès lors qu’il y a relation à autrui.

Ces symptômes concernent toutes les fonctions organiques, risque d’infarctus, hypertension, douleurs articulaires etc… y compris cérébrales, et vont parfois jusqu’à la paralysie de toute vitalité, ultime psycho-somatisation en négatif, tel ce directeur dont on m’a parlé, qui est resté tétanisé, figé la main sur le téléphone, un matin qui semblait pareil à un autre. Plusieurs mois d’absence s’en sont suivi. Telle autre personne parlera de sa transpiration qui s’était modifiée ainsi que celle des collègues qui partageaient son bureau créant une odeur animale.

Une autre encore parle de son état hagard, en apnée, comme en temps de guerre qui lui rappelle les récits de sa mère réfugiée dans les caves. Il n’est pas inutile de parler de stress, terme que l’on doit à Hans Selye en 1935. « Réaction non spécifique de l’organisme visant à rétablir l’homéostasie perturbée par un agent »

Mais ce qui me semble spécifique ici c’est la difficulté qu’ont ces personnes à repérer clairement l’objet de ces tensions, contrairement à un évènement traumatique dont l’effet de sidération pourrait s’y apparenter. Il s’agit de modifications de certaines fonctions somatiques, neuro-musculaires, hormonales… mais dont la source reste indéterminée, confuse. Il n’y a pas non plus de traduction affective. Il s’agit d’une tension, d’une excitation qui se décharge soit à travers des acting-out comme dans une crise de nerfs, et même la séquestration du patron, ou au-dedans par ces. Ces désordres concernent le facteur quantitatif de l’économie psychique. Excès d’excitation.

D’après Freud, le lien entre le somatique et le psychique c’est la pulsion, celle-ci se définit par sa qualité de plaisir ou de déplaisir selon que son énergie se maintient dans son principe de constance, d’homéostasie lié à un affect de plaisir ou de tension cherchant une décharge liée au déplaisir. La pulsion sexuelle en est le modèle. Les obstacles internes et externes à cette décharge  nécessitent un travail psychique pour créer une solution satisfaisante telle la sublimation.

Or dans ces somatisations, le lien entre le somatique et le psychique semble atteint et concerner un niveau en-deçà de cette énergie pulsionnelle et de la perception des affects. On pourrait peut-être parler de dépressions d’organes. Et le terme de somatose utilisé par l’Ecole de Psychosomatique de Paris indique mieux encore cette déliaison . Ces dépressions appelées  essentielles sont sans qualité affective telle que la culpabilité ou la dévalorisation. Seules prévalent une immobilité, une inertie psychiques massives et des symptômes somatiques. L’hypothèse de Pierre Fédida est que ces dépressions sont un procédé défensif de survie qui soustrait la vie psychique aux excès d’excitation.

Cet en-deçà du domaine des insatisfactions pulsionnelles, frustrations, conflits névrotique entre le désir et les défenses…, cet en-deçà où la libido est déqualifiée est manifestement du côté du vital, de l’énergie vitale, de la survie de l’être organique.

Michel De M’Uzan, psychanalyste qui vient de s’éteindre début janvier à 96 ans, différencie dans la construction de la vie psychique, un ordre identitaire fondateur qu’il appelle la dalle identitaire, traversé d’une énergie au service de l’être organique de l’autoconservation et de ses différentes fonctions y compris cérébrale, énergie occupée à la satisfaction de ses grands besoins vitaux, à sa survie . Il l’appelle l’ordre vital-identital, qui je pense, inscrit aussi l’humain dans son appartenance à l’espèce. C’est sur ce programme génétique qu’interviennent les soins maternels et ce qu’on a appelé la séduction maternelle pré-oedipienne. Dans les soins qu’elle prodigue, la mère infléchit cet ordre organique du nourrisson de valeurs sexuelles inconscientes données à déchiffrer au nourrisson, et dont l’appareil psychique va se voir imposer un travail original, la création, l’invention du pulsionnel sexuel et de ses sublimations qui l’assoupliront, comme je l’ai dit tout à l’heure en citant Freud.

Selon De M’Uzan, cette libido peut redevenir sauvage et perdre ses qualités de plaisir –déplaisir pour n’être plus qu’une énergie d’excitation, ce qui me fait penser à une observation de Marie Pezé décrivant la façon dont les ouvrières d’atelier peuvent tenter de maintenir une certaine énergie libidinale par l’excitation des conflits qu’elles créent entre elles en se crêpant le chignon. Avant dit-elle, on tricotait le travail, maintenant les ouvrières se tricotent entre elles. C’est je pense, une libido sauvage, régressée, mais qui évite peut-être les somatisations, même si c’est mieux de manger la galette ensemble, comme une salariée en regrettait la disparition dans son entreprise.

Mais selon De M’Uzan, il y a une aberration bien plus régressive dans laquelle cet ordre vital-identital est gouverné par la tyrannie de la quantité et dont l’énergie d’auto-conservation ne sert plus le fonctionnement physiologique dans ses besoins instinctuels et où la question est celle de vivre ou mourir, le suicide en étant l’acte ultime.

Les personnes qui se battent contre ces excès par l’inertie et se battent avec les excitants pour ne pas être inertes, comme dans certaines pratiques sportives intenses, viennent rencontrer le psychanalyste souvent longtemps après s’être tenus hors conscience, dissociés de leur souffrance justement sans qualité. Des hommes sans qualité comme le personnage de Robert Musil, ou ce passage d’Octavio Paz dans « Le labyrinthe de la solitude » dans lequel Octavio Paz se trouve dans une chambre et entendant un léger bruit dans la pièce d’à côté demande qui est là ; la voix d’une bonne récemment arrivée de sa campagne lui répond :  « personne Monsieur, c’est moi ».

Le moi est déqualifié de sa qualité narcissique et réduit à une résistance identitaire.

Parce qu’ils pleurent, ils peuvent venir ; parce qu’un médecin les a écoutés et arrêtés. Parfois ils sont encore sur leur lieu de travail et les transformations psychiques peuvent s’appuyer sur la réalité encore modifiable.

Le travail thérapeutique me fait revenir au mot « établi », celui qui s’établit et l’établi sur lequel on produit un objet par des gestes qui prendront le temps. La racine latine d’établi est « stabilire » : stable. L’ordinateur est l’établi des temps modernes, un circuit ouvert sans bordure. L’analyste installe son établi pour y accomplir les gestes que seront les interprétations. Les forces d’auto-conservation seront mobilisées chez le patient au service de la survie de la cure dans le fait de se tenir au cadre, au protocole. Leur liaison avec le pulsionnel se fera sous l’effet de la stabilité et du rythme des séances. Les sensations fréquentes de ne pas se sentir réels au milieu des autres du fait des vertiges, de la sensation de tête vide, de ce vacillement identitaire exigent une attention particulière .

Il y a le rythme des séances entre elles et le rythme interne aux séances, celui de la parole et des silences, celui de la voix elle-même. La sensorialité se déploie sur l’environnement même du bureau, les objets, les odeurs, la lumière…Les fins de séance sont souvent difficiles. Il faut désinstaller ce rythme et le vacillement se fait sentir.

Je rappelle rapidement qu’au début de la vie le rythme organise la satisfaction des besoins en fonction des rythmes physiologiques et c’est l’une des premières sources de plaisir, de pulsionalité sexuelle.

Il n’est pas question d’interprétations qui soient trop dérangeantes pour l’économie psychique du patient. Il faut être tolérant dit De M’Uzan, avec les répétitions de ces patients qui vont reprendre sans cesse le récit des évènements vécus sur le lieu de travail sans que l’on puisse, comme je l’ai dit tout à l’heure s’en faire des représentations un peu consistantes. Il faudra beaucoup de temps pour remettre du mouvement dans ce désordre paralysant.

Je le cite : « être tolérant et savoir que l’interprétation ne doit pas être trop étrangère à ce que le moi du patient peut accueillir. Elle doit permettre une ouverture mais être aussi suffisamment homogène au moi, c’est-à-dire capable de s’aligner sur ce que le sujet pourrait dire lui-même.

Le pulsionnel peut aussi s’établir par le laisser aller de l’analyste qui fera une interprétation sur le modèle du mot d’esprit qui sera source de plaisir pour les eux. »

En conclusion, je soumets l’idée que l’unité somato-psychique d’un individu n’est jamais totale, ferme et définitive. Le corps érotique lui-même n’est jamais totalement stabilisé. Le travail professionnel peut d’ailleurs contribuer à stimuler certaines zones et contribuer à réaménager l’érogénéité du corps, à condition de respecter la spontanéité dans laquelle peut s’installer l’ajustement corps-psyche dans sa relation sensible, de plaisir au monde.

Sous ces unifications imparfaites propres à la psyche humaine peuvent aussi se trouver des évènements personnels ou transgénérationnels qui se sont joués en termes de survie, de vacillement de ce vital-identital et qui ouvriront la faille du burn-out.L’analyste ne peut pas l’oublier dans son travail qui tient fermement à cette hétérogénéité entre cerveau et inconscient.

D’autre part le burn-out ne semble pas relever d’une nouvelle économie psychique mais bien de modalités spécifiques d’organisation du travail et du champ social et culturel. Faire du travail un lieu où l’on est convaincu d’y jouer sa vie ou sa survie et où l’économie psychique est soumise à la contrainte de trouver comment décharger cette quantité d’énergie aux dépends du reste est une perversion du culturel . C’est aussi un culturel organisé autour de la peur comme stimulant. Je ne parle pas ici des métiers où l’individu est réellement exposé à des agressions traumatiques comme les policiers ou les gardiens de prison, là où le vital est clairement en jeu dans leur burn-out symptômes de traumas physiques ou psychiques. Je pense qu’il faut les différencier.

Certains professionnels accueillent les plaintes, je pense aux médecins, aux services publiques souffrant semble t-il plus fréquemment de burn-out, en prise directe avec cette agressivité généralisée induite par ce stress rabattant l’humain sur un individualisme de survie. Il me semble que cette déliaison de cette agressivité n’est pas l’expression de la pulsion de mort. C’est bien plus une confusion où les désirs pulsionnels sont pris pour des besoins , mais surtout des besoins abusivement et imaginairement vitaux. Rien de tel pour réveiller des instincts guerriers ou avoir la pensée d’aller se retrancher dans l’inertie, faire le mort ou tomber malade.

C’est probablement en partie dans cet imaginaire que l’analyste doit aller chercher le patient du burn-out, l’imaginaire comme lieu de passage de la chair à la pensée.