Conférence - Débat

Sylviane GIAMPINO

Psychanalyste, psychologue petite enfance, fondatrice d’A.NA.PSY.p.e.,
Membre d’Espace Analytique et du Collectif
« Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans ! »

 Prévention, psychanalyse, politique    

le 7 Février 2009 à 10 heures

au Centre Universitaire Hôtel Dieu le Comte
Place du Préau   -   Troyes


          Considérer que les comportements des jeunes enfants permettent de prédire leur caractère et leur personnalité à l'adolescence procède d'une conception linéaire, naturaliste du développement selon un principe : l'enfant naît comme il est. En vertu de ce présupposé, quoiqu'il vive entre sa naissance et 18 ans n'influe pas. C'est comme s'il grandissait dans un bocal.
L'enfance n'est-elle pas, précisément cette phase de construction propice à tous les réaménagements de l'organisation psychologique ? Chaque étape de la maturation, chaque nouvelle expérience vécue est une opportunité de se transformer, et de dépasser un blocage ou une difficulté…
          La prévention des difficultés psychologiques au cours du développement de l'enfant est certainement une priorité, tout dépend de la façon dont on la conçoit et l'applique. Car la prévention psychologique comporte en soi une prise de risque, dont celui d'induire ce qu'elle cherche à éviter.
          Ainsi en France, les professionnels qui s'occupent des enfants expriment clairement qu'ils refusent de servir des protocoles et des méthodes de travail qu'ils jugent nocives pour les enfants et les familles. Tout autant les chercheurs ne veulent pas voir leurs travaux mal compris, récupérés, et détournés, c’est le cas de nombreux neurophysiologistes et généticiens, ou simplement ignorés comme c’est le cas des sciences humaines et des sciences de l’éducation.
Alors qu’en théorie la psychanalyse et la prévention sont des champs disjoints, la collaboration entre la psychanalyse et la prévention est possible, et ce n’est pas seulement parce qu’il y a un partage d’une certaine illusion nécessaire. C’est aussi parce que les psychanalystes peuvent partager des objectifs avec les autres acteurs de la santé et du social. Ils convient alors de mieux définir ce que pourrait être une prévention psychanalytique, puis d’introduire un travail sur la façon dont ces objectifs se déclineraient.
          La psychanalyse est sollicitée par le champ public, politique. A partir de ce que la cure psychanalytique éclaire dans l’après-coup, elle peut proposer un éclairement de ce qui peut se passer dans l’imaginaire et dans l’inconscient des enfants.
Et tenter d’élaborer des idées qui pourraient servir dans “ l’avant-coup ”. Dans l'espoir, l'illusion nécessaire,  de créer des moyens d’éviter aux enfants, en quelque sorte, des “ coups et blessures ”.
          La prévention est à la fois là où se fait sentir un hiatus entre la psychanalyse et le champ politique et social, mais aussi là où doit se trouver une interface. Si la psychanalyse peut contribuer au service de la prévention c’est surtout parce qu’il y a des psychanalystes qui s’y risquent et qui assument d’en partager l’illusion, sans être dupes que c’en est une.
          L’effet tangible de toute une évolution de pensée, c’est que la place de l’enfant a changé dans la famille et dans la société, la famille devenant la structure de base à préserver. Donc toute politique de prévention et de protection de l’enfance ne peut se concevoir que dans une politique globale de la famille.
          Ce que je constate c’est que même à coups de malentendus et de réajustements, les psychanalystes travaillent avec les autres professionnels, et ils sont de plus en plus sollicités pour intervenir dans ce domaine.
Les organisations sont des outils pour remplir des missions, soigner, accueillir, enseigner, juger... La manière dont ces missions sont remplies, va produire chez les enfants et leur famille soit des effets de violence psychique, soit des effets de prévention psychique.
Une institution qui produit des effets de prévention psychologique est un collectif qui réussira à intégrer du “ UN PAR UN”.
La prise en considération de l’individualité à son niveau le plus profond rejoint le collectif et donc la politique. Quand l’individuel et le collectif s’opposent, c’est qu’on n’est pas allé assez loin dans la réflexion.
          C’est pour cela que la psychanalyse, si elle s’implique dans la prévention, rencontre inévitablement la politique.
Se mêler de prévention c’est se prêter à l’illusion désirante qu’on peut changer l’avenir, or la politique c’est précisément construire le futur. Qu’il s’agisse de politique de service, de politique de santé, de politique politicienne, ou d’action citoyenne.
Les psychanalystes se retrouvent dans une position citoyenne, à ne céder ni sur leur position d’analyste (au service du UN par UN) ni sur les enjeux de la prévention (penser l’avenir et le collectif).
          La politique met en articulation la psychanalyse et la  prévention, conçues comme la tension vers un avenir pour chacun, et ensemble.


Quelques repères bibliographiques :

-          Article « Non à trois ans tout n’est pas joué » dans le livre du collectif «  Pas de O de conduite pour les enfants de trois ans ». Eres 2006.Collection Questions de parents.

-         « A l’écoute des bébés et de ceux qui les entourent ». Sous la direction de Sylviane Giampino et la coordination de D. Delouvin et D. Ratier-Armengol. Eres 2006 Mille et un bébés.

-         « Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? ». Albin Michel 2007.

-         « Enfants turbulents : l’enfer est-il pavé de bonnes préventions ? ». Collectif « Pas de O de conduite ». Co-auteurs : J-C Ameizen ; F. Ansermet ; S. Giampino…Eres 2008 Enfance et parentalité.