Assemblée Générale du 21 janvier 2023

 

Rapport d’activité année 2022

Chers membres adhérents, collègues et amis, chers partenaires, depuis octobre dernier l’association est entrée dans sa dix-septième année d’existence, et sa raison d’être, son soutien à la cause analytique, est plus que jamais d’actualité.

Il y a toujours eu, depuis l’invention freudienne et au sein même de la psychiatrie, un débat qui a opposé les partisans la causalité psychique à ceux prônant une étiologie organique des symptômes.

Les seconds ont dû s’incliner devant le succès remporté par les théories psychanalytiques dans la seconde moitié du XXème siècle, où la psychanalyse faisait référence dans ce qu’on appelle aujourd’hui santé mentale (dont nous savons qu’elle n’existe pas), et aussi bien dans le médico-éducatif et le médico-social, ainsi que dans la culture.

Au début du XXIème siècle, à la faveur du développement des neurosciences et de l’imagerie médicale, les tenants de l’organicité ont largement relevé la tête, parallèlement à une campagne de dénigrement de la psychanalyse : livre noir, rapport de l’Inserm, promotion des approches cognitivo-comportementales, la psychanalyse n’est pas scientifique, elle est dépassée etc., vous connaissez tout cela.

Longtemps, il s’est agi d’un débat entre spécialistes pourrait-on dire, médecins ou non, opposant leurs désaccords.

Il me semble qu’il y a depuis peu quelque chose de nouveau, c’est que le politique, devrait-on plutôt dire le gestionnaire, s’empare des découvertes des neurosciences à travers les technocrates des officines ministérielles pour imposer aux thérapeutes la façon de concevoir les « troubles », les outils pour les évaluer(quantitativement), les bonnes méthodes (cognitivo-comportementales) pour les traiter.

Des technocrates qui ne sont en aucune façon spécialistes des questions liées au psychisme, et sans aucun dialogue avec les professionnels, un ministère de la santé sourd aux requêtes des soignants et qui veut les mettre au pas en décrétant ses protocoles.

L’année 2022 a été riche en ce domaine, avec l’instauration des plateformes de diagnostic et d’orientation, le dispositif pour étudiants et « Mon Psy » et son traitement standardisé en huit séances …

La référence aux « bonnes pratiques » s’impose, basée sur des études obsolètes faisant fi d’études plus récentes démontrant l’efficacité de la psychanalyse.

Bel exemple du discours du maitre contemporain, qui est celui du néocapitalisme, avec une maitrise managériale et une forme de traitement de masse des patients au moindre coût, sans souvent de réelles solutions pour leur prise en charge ; on connait l’état des hôpitaux et différents services de soin. Il s’agit d’une entreprise de taylorisation du travail, où les praticiens qui sont dans une démarche psychologique ou psychanalytique sont dépossédés de leur savoir – donc de leur pouvoir au profit d’une démarche neurobiologique imposant des critères, codifications, une pensée « technologisée » imposée par d’autres.

Cela vise essentiellement les psychologues actuellement en lutte qui ont une pratique orientée par la psychanalyse, et cela met particulièrement à mal nos institutions.

Freud n’aurait pas renié les avancées en neurologie, et nous ne confondons pas la science et le scientisme. A un certain niveau le dialogue est possible entre la génétique, la neurologie et la psychanalyse. Nous trouvons importantes ces avancées, pour autant le sujet humain avec ses embarras n’est pas réductible à ses neurones, l’inconscient n’est pas le cerveau.

Mais vous savez tout cela, je ne développerai pas plus, je souhaitais juste faire ce détour pour rappeler que des forces conséquentes se liguent aujourd’hui plus qu’hier contre la psychanalyse, et ce n’est pas une vue de l’esprit : il y a une réelle pression des ARS sur les services qui doivent s’adapter sous peine de se voir refuser les budgets de fonctionnement, de nombreux établissements n’embauchent plus que des « neuropsychologues », et il ne reste que peu d’universités à pouvoir dispenser un enseignement psychanalytique. Tout cela n’est pas sans impact sur des soignants qui ne se retrouvent plus dans cette remise en cause de leur formation et de leur pratique. Seule la pratique de la psychanalyse en cabinet semble échapper pour l’instant à ce rouleau compresseur.

APAT n’est pas épargnée, qui voit un fléchissement du nombre de ses adhésions, comme du nombre de participants aux conférences que nous organisons (même s’il reste tout à fait honorable), du nombre de présents à nos réunions.

Evidemment il y a pour chacun des moments où l’on peut être moins disponible, il y a aussi des départs vers d’autres lieux de vie. Peut-être la période Covid a-t-elle aussi freiné nos élans.

Mais le risque de découragement, de lassitude, existe, aussi nous devons rester mobilisés pour défendre nos valeurs sur nos lieux d’exercice, et aussi pour faire entendre quelque chose du discours analytique dans la cité, le faire connaitre, le soutenir : au-delà des pratiques il s’agit de défendre une certaine conception du sujet humain, du respect qui lui est dû dans sa singularité.

Ce « faire connaitre », l’ouverture vers la vie citoyenne sont au fondement de notre association.

J’en appelle vraiment à un sursaut collectif, à ne pas céder sur notre désir d’une analyse vivante, branchée sur les problématiques actuelles, ouverte sur la cité, et même joyeuse !

Ceci étant dit, nous avons été très actifs en 2022, aussi pour des choses qui ne sont pas forcément perceptibles de l’extérieur ; outre l’organisation de nos manifestations, et nos groupes de travail, il y a eu de nombreuses réunions sur des sujets et projets divers qui ont mobilisé pas mal d’énergie et que je vais aborder.

Commençons par les évènements destinés au public : trois conférences ont été organisées, et un spectacle de théâtre musical.

  • Le 19 mars Françoise Davoine, psychanalyste, docteur en sociologie et agrégée de Lettres est intervenue à l’initiative de Sylvie Joly, sous le titre « Voix du soin en contexte traumatique ». Elle a évoqué, suite à la pandémie et à partir de témoignages de soignants, un traitement du trauma par cette approche à la fois nouvelle et très ancienne consistant à entrelacer dans le transfert des mots avec les images sensorielles intempestives. Freud parlait d’un inconscient non refoulé fait d’images sensorielles intenses s’imposant dans une temporalité au présent, ce qui a été repéré dès la grande guerre.

  • Le 14 mai, Pascal-Henri Keller, psychanalyste membre de la SPP est intervenu à l’initiative de Thierry Schmeltz sous le titre « Le dialogue du corps et de l’esprit » où il a parlé de l’articulation des enjeux corporels et psychiques avec l’hypothèse de l’inconscient, dans un contexte conflictuel existant depuis la naissance de ce concept entre psychanalyse et neurosciences.

Il a aussi beaucoup parlé du rapport qu’il a coordonné avec Patrick Landman « Rapport sur les avancées et les apports des psychanalystes français dans le champ de la Santé mentale, de la  jeunesse et de la culture ». Chose assez rare, ce rapport a fait l’unanimité des principales écoles de psychanalyse ; on peut le trouver sur notre site grâce au moteur de recherche.

  • Le 8 octobre, à l’initiative de Danièle Lévy, Guy Dana, psychiatre et psychanalyste membre du Cercle Freudien nous a parlé des « Innovations institutionnelles  et traitement psychanalytique des psychoses » à partir des expériences originales qu’il a mené dans ses différents services, reposant sur trois notions : la traduction, la perspective et le langage.

Le passage organisé du patient entre différents services introduit une différenciation des lieux et situations, introduit un différentiel comme pour les phonèmes dans le langage, susceptible de faire bouger les choses. Il évoque à ce propos un néologisme, le « situème ».

Je vous renvoie à son argument sur le site.

  • Enfin le 3 décembre, du théâtre musical afin de terminer l’année sur un mode plus festif : Marie-Benoît Ployé (jeu et chant) accompagnée par Camille Bachimont (piano et jeu) nous ont présenté « Amour, drogues et karaté » au 3x+, un spectacle traitant de la question des addictions. La comédienne personnellement concernée a pu à travers son jeu et ses chansons s’engager vraiment dans son discours de façon à la fois sérieuse, drôle et pleine de pudeur.

Les groupes de travail

Passée la période Covid, les groupes de travail ont pu reprendre leurs travaux normalement, à l’exception du groupe théorique sur le Séminaire XX qui ne parvient pas à se relancer ; cette possibilité reste ouverte.

Il y a six autres groupes  de travail théorique :

  • Travail autour de la pensée de Bion, animé par Anne Bazin

  • Aborder Lacan, animé par Danièle Lévy et Geneviève Grandin

  • Penser l’impensable, séminaire organisé par Béatrice Braun et Thierry Schmeltz

  • Sensibilisation à la psychanalyse à partir de l’exposé -de S. Freud- sur l’histoire d’une névrose infantile : l’homme aux loups, animé par Alain Mery

Dont deux nouveaux groupes pour l’année 2022-2023

  • Clinique et théories des formations obsessionnelles : les névroses obsessionnelles, masculine et féminine, les autres formations non œdipiennes, animé par Anne Bazin

  • Actualité de Freud, animé par Thierry Schmeltz

Travail clinique : cinq groupes poursuivent leurs échanges

  • Groupe du 4ème mercredi, animé par Brigitte Culioli

  • Groupe du 2ème jeudi, animé par Denis Schmitt

  • Groupe un lundi par mois, animé par Alain Mery

  • Groupe du 2ème mardi, « Qu’est-ce qui nous arrive ? » animé par Sébastien Smirou

  • Groupe un samedi par mois, « Le sujet et le lien social », animé par Carine Lendrin et Pauline Hager.

Chacun pourra dire ensuite quelques mots sur la vie de ces groupes et le travail qui s’y fait.

Place d’APAT dans la cité

Il se confirme qu’APAT est bien implantée dans le paysage local et est à l’occasion sollicitée par différentes instances.

Institut Universitaire Européen Rachi

Depuis plusieurs années des membres d’APAT s’engagent à titre personnel pour donner des conférences à l’institut, sous l’appellation de « Séminaire Approches psychanalytiques » ; il y a désir personnel de transmettre mais aussi le souci de répondre à une attente. En 2022, il y a eu entre janvier et juin la fin du cycle intitulé « Lien social, vous avez dit lien ? » Avec :

  • Danièle Lévy le 17 janvier sous le titre « De l’individuel au social et retour »

  • Marie-Pierre Simon Koch et Martial Gaillard (chef d’établissement scolaire) le 21 février pour « Qu'est-ce qui fait autorité aujourd'hui ? Le lien à l'autre et les structures sociales évoluent. Qu'en est-il de l'autorité ? »

  • Anne Delafosse-Bazin le 21 mars sur « L'humain et l'individualisme. Quels enjeux pour la psychanalyse aujourd'hui ? »

  • Pauline Hager le 25 avril avec « De la marginalité: comment (ré)habiter la société en passant par la prison ? »

  • Béatrice Braun le 30 mai sur « Le groupe et ses dérives: sectes, totalitarismes, etc. Le point de vue d'une psychanalyste »

Puis depuis la rentrée universitaire 2022-2023, sous l’appellation « Nouvelles approches psychanalytiques » commence un nouveau cycle « Le numérique, parlons-en » avec Pauline Hager le 5 décembre sous le titre « On me like donc je suis ? Regard et construction narcissique à l’ère du numérique. »

Un nouveau format y est proposé, des interventions plus courtes et une disposition des sièges en cercle pour permettre plus d’échanges entre les participants. Cette première a été sans conteste un succès. Quatre conférences suivront en 2023.

Remercions encore Géraldine Roux, directrice de l’Institut pour avoir bien voulu héberger notre bibliothèque, elle est fonctionnelle et s’étoffe peu à peu.

Dans les médias

  • Alain Mery a été invité sur Canal 32 pour une intervention sur « Quand faut-il consulter ? » dans la suite du confinement et de ses effets parfois douloureux ; il a aussi participé à une réunion organisée par la Ville de Troyes sur le site troyes.fr; site sur lequel nous ne trouvons pas actuellement notre place.

  • Anne Bazin et Danièle Lévy se sont rendu à une table ronde organisée par le CIDFF lors d’une journée sur la santé mentale.

  • Anne Bazin a été reçue sur Thème Radio pour présenter le spectacle de Marie-Benoît Ployé.

Certains d’entre nous sont investis dans le mouvement actuel de lutte des psychologues et participent à des actions et manifestations contre les directives gouvernementales précédemment évoquées.

La page Facebook de l’association relaie les annonces importantes, et est alimentée par nos jeunes collègues.

Le site internet qui est un peu vieillot et peu performant, bientôt obsolète, va être remplacé par un site tout neuf plus opérationnel et ergonomique, construit par un jeune informaticien avec lequel nous élaborons ce projet et qui nous accorde des conditions très avantageuses.

Et cela va de pair, il se propose de nous créer un logo qui sera la marque de l’association facilement repérable par le public ou les partenaires, déclinable du site aux brochures, aux en-têtes de documents ou mails … Nous y travaillons également.

Une consultation psychanalytique à Troyes ?

Dans l’après-coup de la crise Covid et de la cellule d’écoute que nous avions mise en place à ce moment avec Troyes Champagne Métropole, dans les échanges aussi avec la responsable du Centre Municipal d’Action Sociale, Madame Blott, certains d’entre nous se sont proposés de s’engager plus avant dans la vie de la cité en offrant la possibilité au public de rencontrer un praticien dont le travail est orienté par la psychanalyse.    

Le projet a donc été élaboré d’ouvrir une consultation psychanalytique à l’instar de ce qui existe dans plusieurs villes de France, sur le principe d’un traitement court (une quinzaine de séances) et gratuit.

L’appellation en serait CPAT, Consultation Psychanalytique à Troyes.

Il s’agit bien d’une activité APAT, mais il nous a semblé indispensable de créer pour cela une association distincte, sous l’égide d’APAT, car le fonctionnement va en être différent particulièrement dans la nécessité de tenir une comptabilité propre ; car le projet ne pourra voir le jour qu’en étant subventionné, et il faut qu’il soit repéré comme entité propre par les partenaires extérieurs.

Nous avons longuement réfléchi et échangé autour de ce projet, de son fonctionnement, sur les statuts de l’association qui le porte. Etant peu nombreux (une dizaine), nous avons opté pour un modèle associatif collégial.

Il est clair que ce projet ne pourra voir le jour que si la ville nous trouve un local puisque nous n’en avons pas, et n’auront pas les moyens de payer un loyer. Un local serait une forme de subvention, charge à nous de trouver d’éventuels autres partenaires.

Je ne détaille pas ce projet plus avant, un document que nous avons élaboré pour le présenter à nos interlocuteurs va vous être lu et sera annexé à ce rapport d’activité.

Cette année 2022 aura donc été bien riche en réalisations, rencontres, réflexions et projets.

Et en réunions ! Deux d’ailleurs ont été organisées sous l’appellation « réunion des fondateurs », pour mesurer l’évolution de l’association depuis sa création et imaginer les perspectives à venir, la seconde étant ouverte à qui le souhaitait.

Rappelons qu’en termes de projets, chacun peut s’appuyer sur l’association pour faire venir un conférencier, proposer une intervention, créer un groupe de travail ou proposer quelque chose d’innovant. Il suffit que ce projet soit présenté, réfléchi et adopté comme entrant dans les buts de l’association pour qu’il y prenne sa place.

Perspectives proches, en 2023 :

CPAT, peut-être, et trois ou quatre conférences prévues,

  • Mais d’abord, sur une proposition de Sylvie Joly, projection du très beau film documentaire retraçant les débuts de la psychothérapie institutionnelle "Les heures heureuses" de Martine Deyres diffusé en présence de la réalisatrice par l'Association Chaussin le Vendredi 13 Janvier à 14h30 et à 20h.

  • Bénédicte Jullien, psychanalyste membre de l’ECF pour parler de la violence fin janvier ;

  • Cécile Masson, psychanalyste et professeur d’Université, co-directrice avec Caroline Eliacheff et Anna Cognet de l’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent (La Petite Sirène), interviendrait le 10 juin au sujet des enfants transgenres et des questions que cela soulève.

  • Anne Joos avec « PMA et familles contemporaines », et peut-être Jean-Pierre Lebrun avec « Je préfèrerais pas » viendraient en octobre parler sur les thèmes de leur dernières parutions.

Ainsi, dans le contexte un peu sombre évoqué en préambule, notre association reste bien active et vivante, et nous avons plaisir à nous y retrouver.

La psychanalyse ne peut exister sans personne pour la faire vivre, nous avons la responsabilité de soutenir cet héritage et de le transmettre.

Merci à tous pour votre présence aujourd’hui, votre écoute et votre patience !

Remerciements particuliers aux membres du bureau pour leur engagement et leur efficacité.

                                                                                                                                                       Troyes, le 21 janvier 2023

Denis Schmitt

Président d‘APAT